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espoir d’assurer par son patronage la prospérité d’un chemin de fer. Les députés qui étaient entrés avec M. Molé dans la compagnie de Strasbourg ont suivi son exemple. Tout annonce que le malencontreux article, rejeté à la chambre des pairs, ne se reproduira pas au Palais-Bourbon, malgré l’appui que vient de lui prêter M. Grandin. La commission, qui a repris le projet du chemin de fer de Bordeaux, propose à l’unanimité, par l’organe de M. Dufaure, de ne pas le rétablir dans la loi. Il est devenu évident aujourd’hui, jour tous les esprits non prévenus, que la chambre des députés a commis une faute en votant l’amendement de M. Crémieux ; elle doit en convenir elle-même. Si son but était de prendre une mesure disciplinaire, elle ne pouvait, sans manquer aux convenances, l’imposer à la chambre des pairs. Si elle a voulu faire entrer dans le code électoral un nouveau principe d’incompatibilité, ce n’était pas dans une loi spéciale, et par un amendement fortuit, qu’une semblable déclaration devait se produire : il fallait la soumettre à toutes les épreuves fixées par le règlement pour la délibération des projets de loi. Dans tous les cas, ce n’était point devant une chambre distraite, devant un ministère silencieux et immobile, et d’une façon pour ainsi dire subreptice, qu’une innovation si importante pouvait être consacrée. Ces tours d’adresse parlementaire ne sont pas dignes d’un pays comme le nôtre. Nous espérons bien que la chambre des députés ne.persistera pas dans sa première résolution, et que le ministère, soutenu d’ailleurs par M. Dufaure, saura trouver quelques bonnes raisons pour l’en détourner.

La question des chemins de fer, dans ces derniers jours, s’est compliquée d’un embarras nouveau par la tendance de la chambre des pairs à se rapprocher des dispositions de la loi de 1842. La chambre des pairs, au fond, n’approuve pas qu’on soit sorti de cette loi. Beaucoup de ses membres eussent volontiers sacrifié les embranchemens et les lignes non désignées dans le réseau primitif, si la crainte d’ajourner les chemins de fer ne les eût retenus. Au Palais-Bourbon, on a réservé pour le chemin de Strasbourg la question de concession, comme on l’avait fait pour les chemins de Lyon et de la frontière belge. Tout fait supposer que cet ajournement aboutira l’année prochaine au vote de l’exécution intégrale, et même de l’exécution par l’état. C’est un parti qui semble bien arrêté dans la chambre élective. Les dispositions contraires de la chambre des pairs pourront créer des difficultés sérieuses, dont la première cause aura été l’indécision du cabinet. Si son attitude eût été plus ferme dès le début, il eût pu rallier à son système beaucoup d’opinions que sa contenance a ébranlées, et qui, ne pouvant s’appuyer sur lui, sont allées tout droit à des principes plus nettement défendus.

La chambre a déjà voté presque tous les chapitres du budget. Plusieurs questions dignes d’intérêt n’ont pu obtenir l’honneur d’une discussion. Ainsi, nous savons que la nouvelle loi sur les patentes diminuera de plus de sept millions les produits de l’impôt. On avait compté au contraire sur une augmentation