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autres la réforme postale, la question du domicile politique, et la réduction du timbre des journaux. Certes, nous ne voulons pas dire que la chambre ait abusé de ses droits. Abandonnée à elle-même, ne voyant dans les idées du pouvoir aucun plan arrêté, aucune vue d’ensemble, il était naturel qu’elle substituait son action à celle du ministère sur beaucoup de points, et particulièrement sur les questions d’affaires, qui sont celles que le ministère a presque toujours livrées aux hasards de la discussion. La chambre a rempli son devoir. Pourtant, sans parler du dommage que causent à la dignité comme à l’ascendant du pouvoir ces invasions répétées du parlement sur le domaine de l’administration, elles ont cela de fâcheux qu’elles épuisent bien vite les forces d’une législature ; c’est un grand mouvement, mais peu productif, et qui s’arrête au moment même où son énergie devrait redoubler. Les chambres sont faites pour discuter les lois, et non pour rédiger des codes administratifs. C’est au gouvernement à leur livrer des matériaux complets, à les guider dans une voie sore, et à éloigner d’elles tout ce qui pourrait fatiguer leur attention. Gouverner, administrer, et en même temps discuter, contrôler, cela n’est pas possible long-temps. Aussi la chambre, depuis un mois, se montre pressée d’en finir. Elle a entrepris beaucoup de choses qu’elle ne terminera pas. Elle a posé dans ses rapports bien des questions qui n’en sortiront pas, pour cette session du moins, et que la tribune écarte prudemment. Ajoutez qu’un certain dégoût se mêle à cette lassitude. La modestie d’un ministère peut flatter l’amour-propre d’une majorité ; mais comment pourrait-elle aimer ce qui résulte de son affaiblissement, l’absence de direction et le désordre dans la discussion des lois, la contradiction dans les votes, les résolutions les plus graves enlevées par surprise, source de récriminations fâcheuses contre la chambre et de conflits regrettables entre les pouvoirs parlementaires ? Aussi la chambre des députés n’a jamais été plus impatiente de voir arriver le terme d’une session.

La chambre des pairs est plus calme, et ses actes s’en ressentent. Ainsi que nous l’avions prévu, elle a effacé de la législation des chemins de fer l’article additionnel de M. Crémieux. M. le comte Molé a saisi l’occasion de protester contre les insinuations faites dans une autre enceinte sur la part qu’il a prise à la compagnie de Strasbourg. Il a tenu un langage plein de fermeté et de noblesse. Il a flétri, avec toute l’autorité qui s’attache à son caractère, cet esprit de dénigrement et d’envie qui veut tout rabaisser à son niveau, qui souille par ses indignes soupçons les renommées les plus pures. On pouvait prévoir du reste que M. Molé annoncerait sa détermination bien arrêtée de demeurer désormais étranger à toute entreprise industrielle. Voilà le bénéfice le plus net de l’amendement Crémieux. Un homme qui a parcouru une des plus belles carrières politiques, et dont le nom a toujours été respecté par l’opinion, peut supporter, dans un intérêt de gouvernement, tous les outrages qui s’adressent à la vie publique ; mais on ne peut exiger de lui qu’il brave tous les jours la diffamation et les injures dans le seul