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La faveur particulière dont il jouit auprès du roi, ses relations avouées avec plusieurs ministres, l’extrême réserve qu’il n’a jamais cessé de garder dans son langage sur le cabinet, et que celui-ci a eu l’art de faire passer pour une adhésion ; jusqu’à la nature même de la question dont il s’agit, et sur laquelle nécessairement l’intendant général de la liste civile possède les documens les plus sûrs, tout pouvait faire croire que M. de Montalivet n’était pas étranger à la publication du Moniteur. Et cependant c’est une erreur complète : il n’est personne un peu au courant du monde politique qui ne sache maintenant que M. de Montalivet n’a été prévenu de rien. Il n’a pas été consulté. Son caractère, du reste, est trop connu pour qu’on puisse douter un seul instant de l’avis qu’il aurait exprimé, si un avis lui eut été demandé. Ce n’est pas louer M. de Montalivet de dire que sa carrière politique est déjà pleine d’exemples qui attestent son courage et son dévouement ; c’est proclamer une vérité que personne n’ignore. Non, M. de Montalivet n’aurait pas approuvé la pensée de défendre la dotation dans la presse, au lieu de la soutenir à la tribune ; il n’aurait pas conseillé de mettre en avant la royauté comme un rempart destiné à couvrir la responsabilité ministérielle. Pour tout dire, le ministère nous semble avoir été mal inspiré en mêlant à cette affaire le nom de M. de Montalivet. Ce n’est pas encourager pour la suite le système des neutralités expectantes. L’abnégation politique est une de ces vertus difficiles qui ont besoin qu’on les ménage ; il est dangereux de les exposer à de trop rudes épreuves.

Comme on le voit, il ne manque rien à l’affaire de la dotation, ni l’intrigue, ni le sujet des réflexions les plus graves. L’intrigue paraît en ce moment-ci sur le premier plan ; elle fixe les regards, mais elle n’occupera plus tard que le coin du tableau, et laissera voir dans tout son jour le côté sérieux. On a commencé ; il faut finir. Si l’on s’arrête, on s’avoue vaincu ; si l’on persiste, des difficultés nouvelles peuvent surgir. De toute façon, la situation est critique ; elle réclame l’attention particulière des hommes d’état dont le pays interroge la pensée toutes les fois que des circonstances inattendues l’agitent et l’inquiètent sur son avenir.

D’ici à peu de jours, la session sera close. Les députés s’en iront dans leurs départemens causer de la dotation avec leurs électeurs. A voir la rapidité qu’ils mettent à voter le budget, on pourrait les croire un peu trop pressés de partir ; mais il faut être juste : la session a été laborieuse pour eux. Les commissions surtout ont été surchargées de travail. Soit que la plupart des projets de lois présentés par le gouvernement aient été mal digérés, soit que le ministère, par ses faiblesses et par ses fautes, ait donné à la chambre élective le goût d’administrer elle-même, les commissions, voulant tout connaître et tout dire, ont fait de longues études préparatoires qui n’ont pas toujours éclairci ni simplifié les questions, et les rapports ont pris des dimensions énormes. Ajoutez que la chambre, n’étant pas dirigée ni contenue, a usé souvent de son initiative. Encore aujourd’hui il lui reste à résoudre plusieurs questions importantes qu’elle a soulevées elle-même, entre