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sens de la conduite réservée qu’ont tenue certains hommes considérable adversaires connus de la politique du cabinet, voyant ses fautes, mais évitant de se prononcer publiquement à son égard, et lui prêtant le secours d’une neutralité généreuse, dans la crainte, imaginaire selon nous, d’empirer la situation en la dévoilant, et de mettre en péril des intérêts plus grands que ceux du ministère. Préparer l’avenir dans l’éventualité d’une régence, c’était, il faut le dire, le conseil de la prudence la plus vulgaire. Le cabinet du 29 octobre ne paraît pas avoir été de cet avis. Calmer le pays, concilier, réunir, aller au-devant des transactions honorables, tout faire en un mot pour diminuer les difficultés d’un moment de transition que les partis attendent avec espoir, c’eût été pour un esprit comme celui de M. Guizot une petite politique ; la grande politique consiste à déchaîner les orages, au lieu de les prévenir.

Livrez donc encore cette bataille aux factions ; que ce soit la dernière, s’il plaît à Dieu, et montrez-y du moins de la résolution et de la vigueur. Mais non ; dès le premier jour, le roi est calomnié ; on insulte à la tribune la royauté, on fait entre elle et la restauration un parallèle outrageant pour la révolution de juillet. Jamais, jusque-là, de pareilles attaques ne s’étaient fait entendre dans le parlement ; elles étaient reléguées dans les pamphlets : et le ministère ne dit mot ! M. Guizot ne saisit pas cette occasion de faire oublier sa faute par l’éloquence, et de relever avec lui, au moyen d’un triomphe oratoire, la majorité confuse et désarmée. Puis arrivent les violences des journaux. La royauté est livrée de toutes parts. Que dit la presse ministérielle ? Qu’il s’agit d’une question de confiance, sur laquelle on n’a pas la prétention de convertir les radicaux ni les légitimistes ; qu’on n’essaiera pas même de persuader quiconque n’est pas l’ami déclaré du ministère. On ne parlera que pour ceux des députés du centre qui ont conservé des scrupules sur la dotation. En vérité, voilà un dédain commode et qui sera d’une grande utilité pour la couronne ! Si la défense de la dotation s’adresse exclusivement à M. Muret de Bort et à ses honorables collègues qui ont exprimé leurs doutes sur la convenance ou l’opportunité de cette mesure, pourquoi tant de bruit ? M. Guizot, sans faire des articles dans le Moniteur, où il avait cessé d’écrire depuis si long-temps, ne pouvait-il pas prier ces messieurs de venir causer avec lui, à l’hôtel des affaires étrangères, et là essayer de les convaincre en leur ouvrant les registres de la liste civile, et en leur parlant de cet air simple et naturel que le ministre doctrinaire sait prendre quelquefois, dit-on, lorsqu’il est de loisir et que le public des tribunes ne le regarde pas ? Mais qu’allons-nous dire ? Si par hasard M. Guizot n’avait toujours eu, au fond, depuis trois ans, qu’un penchant équivoque pour la dotation ; si lui-même, il y a six mois, au moment de la réunion des chambres, dans un intérêt que tout le monde comprend, avait contribué par des suggestions habiles à faire écarter la mesure dans les bureaux ; si le manifeste du Moniteur n’avait eu en réalité d’autre but que d’enterrer le projet, comme on dit, après l’avoir étouffé en public au milieu des protestations du dévouement le plus