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à leur titre de citoyen américain ; dernièrement encore, un citoyen éminent de la Virginie, le général Ch. Fenton Mercer, a sollicité et obtenu du gouvernement texien deux concessions de terres, à la condition de s’y établir et de les coloniser. Aussi la population du Texas, qui en 1833 était d’environ vingt-deux mille ames, s’élève-t-elle en ce moment à environ trois cent mille, dont un tiers esclave, Quoique un grand nombre de ces esclaves aient été importés directement d’Afrique ou de Cuba, la plupart viennent cependant des États-Unis et surtout des anciens états à esclaves ; si le Texas devenait partie intégrante de l’Union, on verrait sa population esclave s’accroître rapidement aux dépens de celle des états dont nous parlons. C’est ainsi que la Virginie, le Maryland, le Kentucky et même peut-être les deux Carolines, verront leur population dégager de son sein l’élément noir, qui y a moins de valeur que dans les terres situées plus au sud. Les cultures auxquelles se livrent les états à esclaves épuisent rapidement la terre, d’autant plus qu’il est impossible d’employer le système des jachères et d’alterner les semailles. En outre, l’esclave cultive mal et avec négligence : il se contente de retourner la terre à la surface, au lieu de la remuer profondément, comme il le faudrait quand elle a perdu sa première vigueur ; il n’a ni la force, ni la patience, ni l’industrie nécessaire pour labourer comme on le fait en Europe ; l’homme libre seul en est capable. Les états les plus anciennement colonisés, la Virginie, le Maryland, offrent une preuve frappante de ce fait ; les terres n’y sont plus assez vierges pour soutenir le travail esclave, et les produits qu’elles donnent ne sont pas en rapport avec les frais d’entretien d’une multitude de nègres. Il en résulte que très souvent, à la mort d’un planteur, son héritier vend le mobilier et les bâtimens d’exploitation, et, abandonnant les terres paternelles, s’en va avec ses esclaves chercher au sud-ouest, dans l’Alabama, dans l’Arkansas, des terres à défricher que dans un siècle ses héritiers abandonneront à leur tour. Les terres ainsi délaissées demeurent en friche, puis se recouvrent peu à peu de forêts ; l’on peut faire souvent quinze et vingt lieues dans le Maryland et en Virginie à travers de jeunes taillis qui recouvrent la place où étaient, il y a vingt-cinq ans, des plantations florissantes. La même chose a lieu, quoique sur une moins grande échelle, dans le Kentucky et les Carolines. Quant aux propriétaires qui répugnent à émigrer à cause de leur position ou de leur âge, beaucoup ont changé d’industrie ils ne font cultiver la terre qu’autant qu’il est nécessaire pour la subsistance de la maison, et ils élèvent des esclaves pour les vendre ensuite dans les états situés plus au sud, où les esclaves ont une plus