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dans la lutte pour la présidence, l’annexation sera remise immédiatement sur le tapis et, après une résistance désespérée, le nord finira par la subir. Si M. Clay l’emporte, la question sera momentanément ajournée, mais elle ne tardera pas à être soulevée de nouveau, et après bien des luttes, le sud finira par l’arracher au nord, comme tant d’autres mesures, en menaçant de tout pousser à l’extrême. Tous les intérêts du sud sont engagés dans cette question, et je n’entends pas parler ici des détenteurs de fonds texiens, qui ne désirent l’annexation que pour voir les États-Unis garantir leurs créances, ni même des sommes immenses que les gens du sud ont englouties dans les spéculations sur les terres du Texas : je parle des intérêts généraux des états du sud.

Si le Texas demeure indépendant, une barrière infranchissable arrêtera le développement de ces états et mettra le Mexique à l’abri de leurs envahissemens. Il sera impossible d’obtenir jamais du Mexique ce qu’il a toujours refusé jusqu’à présent, un traité pour la restitution des esclaves fugitifs. Le sud sera condamné à rester éternellement placé entre deux terres libres, à la merci de chacune d’elles. L’œuvre de quinze années d’intrigues sera détruite, car à quoi bon arracher le Texas au Mexique pour ne pouvoir le prendre ? On aura perdu toute chance de le conquérir dans une guerre, on aura reculé plutôt qu’avancé. La séparation du Texas d’avec le Mexique n’était utile que comme acheminement à sa réunion aux États-Unis. Voilà pourquoi, pendant que Samuel Houston et Stephen Austin préparaient tout pour un soulèvement, le grand publiciste du parti démocratique, M. Benton, publiait, sous les pseudonymes d’Americanus et de La Salle, ses fameux essais sur la nécessité d’acquérir le Texas, essais que la presse du sud reproduisait à l’envi ; voilà pourquoi l’administration de Jackson faisait des efforts désespérés pour obtenir du Mexique la cession d’un territoire si désiré. La population du sud étouffe dans les limites de plus en plus étroites où la resserre le développement des états du nord, et pour qu’elle puisse s’étendre sans renoncer à ses habitudes, à ses mœurs, à ses institutions particulières, il faut qu’elle envahisse le Texas. Un autre intérêt en souffrance exige aussi cette acquisition, un intérêt dont la presse du sud prend la défense sans rougir, et qui est une tache pour la démocratie américaine : c’est le commerce des esclaves. L’élève et le trafic des esclaves sont devenus un commerce lucratif, et qui se fait sur une grande échelle ; or, maintenant les états du sud ont plus d’esclaves qu’il ne leur en faut, et la traite, qui a repris vigueur, fait aux spéculateurs une concurrence chaque jour plus