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voudraient faire acheter cette concession le plus cher possible, ils la gardent comme un dernier enjeu : l’accorder maintenant leur paraît un sacrifice trop grand et prématuré. M. Van Buren s’est donc trouvé entre ses amis du nord et du sud ; lesquels sacrifier ? Se prononcer pour l’annexation immédiate, c’était perdre l’appui des démocrates de l’Ohio, de la Pensylvanie, peut-être même de New-York, son propre état, et cela pour n’avoir pas même aux yeux des gens du sud, le mérite de l’initiative qui resterait à M. Tyler. En outre, M. Tyler, citoyen de la Virginie, l’emporterait toujours dans cet état sur M. Van Buren ; M. Calhoun, pour les mêmes raisons, dispose des deux Carolines et de la Géorgie. M. Van Buren espérait que, quelle que fût sa décision, l’Alabama lui, resterait fidèle, grace à l’influence de M. King, et la Louisiane, grace au général Jackson. Dès-lors il ne restait plus à choisir qu’entre les votes du Mississipi, de l’Arkansas, et ceux des puissans états du nord, l’Ohio, New-York et la Pensylvanie. Le choix n’était pas douteux, et M. Van Buren se détermina, enfin à se prononcer avec les états du nord contre l’annexation, mais il hésita long-temps à déclarer ses sentimens. La presse démocratique du nord gardait en général le silence pour ne pas mettre à découvert la désunion du parti, et M. Van Buren se taisait également pour laisser amis et ennemis dans le doute ; seulement, il faisait répandre en Virginie le bruit qu’il était favorable à l’annexation. Les élections de la Virginie ayant tourné contre lui, il s’est décidé enfin : on se lassait de son silence ; ses adversaires s’étaient depuis long-temps prononcés, il était impossible de différer plus long-temps. Le journal officiel du parti démocratique, le Globe du 29 avril 1844, publia une lettre datée du 20, et postérieure par conséquent à la signature du traité. Cette lettre était adressée à M. Hammet, membre du congrès pour l’état du Mississipi, en réponse au désir manifesté par lui de connaître « les opinions de M. Van Buren sur la constitutionalité et la convenance d’annexer immédiatement le Texas aux États-Unis, aussitôt que le Texas aura consenti à cette mesure. » La lettre de M. Van Buren n’occupe pas moins de six colonnes des immenses journaux américains ; aussi n’essaierons-nous même pas d’en rien extraire. Elle est fort habile ; seulement M. Van Buren, selon sa coutume, cherche à dissimuler sa véritable pensée et à ne mécontenter personne. On voit, par le titre même de sa lettre, qu’il affecte de ne pas mettre en doute la convenance de l’annexation elle-même, mais de l’annexation immédiate, et de ne regarder la question que comme une question d’opportunité, et encore, après une longue série d’argumens pour et