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Depuis vingt ans, il est au premier rang dans le parti whig, il combat sans relâche et sans faire jamais la moindre concession. C’est un esprit entreprenant et sagace, un caractère énergique et décidé. Il a les défauts de ses qualités, son courage devient quelquefois de la témérité, et sa fermeté de l’obstination ; il a porté jusqu’à la prodigalité la négligence de ses intérêts personnels. Toutefois, par la décision de son caractère, la fécondité de son esprit, sa fidélité scrupuleuse à ses engagemens, et son dévouement entier à ses amis, il est arrivé à exercer sur les whigs un empire absolu : il les mène au combat comme une troupe bien disciplinée, et c’est à lui qu’ils doivent de s’être relevés de leurs défaites. C’est un admirable chef de parti et un orateur éminent : il parle avec une autorité et une chaleur entraînante ; Bolivar faisait lire ses discours devant l’armée chaque fois qu’il livrait bataille. Mais M. Clay est surtout remarquable comme debater, c’est-à-dire comme sachant engager, conduire et soutenir une discussion ; c’est jar là qu’il est supérieur à M. Webster lui-même, le plus grand orateur de l’Amérique, mais qui a besoin d’être excité, d’être traîné à la tribune, et saisi d’une émotion profonde pour atteindre à toute la puissance de son talent.

C’est entre ces deux hommes, fort supérieurs tous les deux à M. Tyler, que le débat, sérieux pour la présidence se serait engagé, si la question du Texas n’était venue se jeter à la traverse. Aussitôt qu’elle a été soulevée, de toutes parts on a voulu connaître l’opinion des deux candidats, et aucun d’eux ne pouvait se prononcer sans s’exposer à mécontenter une partie de ses amis. M. Van Buren a été élu une première fois par les hommes du sud unis aux démocrates du nord : les hommes du sud sont en grande majorité partisans de l’annexation ; il n’en est pas de même des gens du nord, même des démocrates. Les gens du sud ont fait des concessions aux démocrates pour obtenir l’appoint qui leur donne la majorité ; mais si l’annexation du Texas leur assure la majorité d’ici à quelques années, feront-ils les mêmes concessions à des alliés inutiles ? n’en profiteront-ils pas pour faire rapporter le tarif sans s’inquiéter des manufactures de New-York ou de l’Ohio, ou pour prendre toute autre mesure qui leur conviendra et qui sera fatale à l’industrie du nord ? Si le joug du sud est déjà pesant, ne deviendra-t-il pas bien plus rude, et ne vaut-il pas mieux rester maître d’obtenir toujours une faveur par la menace d’une défection ? Ce sont là les idées qui prédominent parmi les démocrates du nord : ils se résigneraient à l’annexation s’il le fallait absolument, si la cause démocratique ne pouvait être sauvée qu’à ce prix ; mais ils