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l’administration précédente n’avait jamais pensé à offrir plus d’un million de dollars, le général consentait à offrir quatre millions, et même cinq s’il le fallait. Le gouvernement américain avait connaissance de l’expédition que l’Espagne dirigeait alors contre le Mexique, et M. Van Buren croyait l’occasion favorable pour renouveler l’offre d’une somme considérable.

Les Mexicains, malgré leur indolence et leur apathie, conservent encore quelque chose de l’orgueil castillan : ils reçurent la proposition comme une insulte, résistèrent à la tentation d’une somme aussi forte, et malgré leur dénuement triomphèrent de l’armée espagnole. M. Poinsett fut vivement blessé de cet échec et du refus péremptoire qu’il avait éprouvé ; il écrivit à son gouvernement : « Nous ne pourrons jamais étendre nos frontières au sud de la Sabine, à moins de chercher querelle à ce peuple-ci. » C’était une insinuation qui fut comprise. Comment s’expliquer en effet qu’en 1830 la Gazette de l’Arkansas ait pu imprimer ce qui suit : « D’après les informations puisées à une source qui mérite la plus haute confiance (entitled to the highest credit), il paraîtrait que nous ne devons plus nourrir l’espoir d’acquérir le Texas tant qu’un parti mieux disposé pour les États- Unis ne dominera pas au Mexique, ou peut-être tant que le Texas ne secouera point le joug du gouvernement mexicain, ce qu’il fera sans doute dès qu’il aura un prétexte raisonnable pour en agir ainsi ? » N’était-ce pas l’annonce du plan machiavélique qu’on allait mettre à exécution ? Quel était donc le correspondant si bien informé de la Gazette de l’Arkansas ? On y vit tour à tour M. Poinsett, M. Butler, son successeur, et plusieurs des amis du général Jackson.

À ce moment, un homme qui depuis long-temps s’était fait remarquer comme un des plus chauds partisans du général Jackson, Samuel Houston, qui avait été gouverneur du Tennessee et représentant de cet état au congrès, qui se vantait de posséder l’entière confiance du président et paraissait ainsi appelé à jouer un rôle dans l’administration nouvelle, quitta tout à coup Washington après avoir mis quelques personnes dans la confidence de son projet, et se rendit au Texas, abdiquant ainsi sa qualité de citoyen américain. Il y fut suivi par un nombre assez considérable de citoyens du Kentucky et du Tenessee appartenant au même parti. Samuel Houston ne dissimulait guère ses intentions, car le Journal de la Louisiane, en rendant compte de son départ, disait qu’il ne s’était rendu au Texas que pour révolutionner cette province, et terminait son article, par ces mots : Nous pouvons nous attendre à apprendre bientôt qu’il a levé l’étendard