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PAUL SCARRON.




Dans les époques classiques, lorsque les écrivains s’efforcent de retrouver par l’étude les lignes simples et sévères des anciens poètes, ils retombent souvent dans un excès fâcheux, dans l’ennui, dans la sécheresse. Une idée de fausse noblesse semble les poursuivre, le familier les effraie, ils écrivent dans un dialecte savant comme celui des brahmes de l’Inde. Le bon goût est une belle chose ; cependant il n’en faudrait pas abuser : à force de bon goût, on arrive à se priver d’une multitude de sujets, de détails, d’images et d’expressions qui ont la saveur de la vie. La belle et riche langue du XVIe siècle, blutée et vannée par des mains trop méticuleuses, pour quelques mauvaises herbes qu’on en a retirées, nous paraît avoir perdu beaucoup d’épis pleins de grains d’or. Nous sommes de ceux qui regrettent que Malherbe soit venu. Un grand et admirable poète, Mathurin Régnier, a exprimé la même idée en vers d’une énergie et d’une vigueur surprenantes. L’influence de Louis XIV n’a pas toujours été heureuse sur la littérature et les arts de son temps. La perruque du grand roi y domine trop. La majesté, l’étiquette, la convention, ont quelque peu chassé la nature. Les arbres du parc de Versailles portent des boucles et des frisures comme les courtisans ; les poèmes sont tracés au cordeau comme les allées. Partout la régularité froide est substituée au charmant désordre de la vie ; la volonté d’un seul homme remplace le caprice individuel. Louis XIV, qui se laissait bénignement personnifier sous la figure du soleil, avait plutôt l’amour du faste que celui de l’art.