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tuteurs de la famille et les gardiens de la maison. En me retirant, j’en aperçus une demi-douzaine de l’âge de sept à neuf ans, dont quatre portaient de plus jeunes enfans sur leur dos, montant le sentier tournant qui menait, à travers les cendres et les débris, à la butte située sur le penchant du coteau. »


Ainsi, dès le berceau, les enfans sont abandonnés ; à l’âge de sept ou huit ans, aussitôt que l’esprit s’ouvre et que les membres ont un peu de force, on commence à les exploiter. Les petites fabriques et les ateliers domestiques de Wolverhampton n’étant pas soumis à la loi qui règle le travail des enfans, la journée de ceux-ci dure autant que celle des hommes ; on ne leur épargne pas les travaux pénibles, et, pour les soutenir dans cette lutte inégale, on les nourrit à moitié sur la maigre pitance d’un plat de pommes de terre et de quelques harengs.


« Les plus jeunes, dit M. Horne, en quittant l’atelier, vont droit à la maison afin de souper, si même on leur donne à souper, et de se mettre au lit. Les autres rôdent nonchalamment dans les rues pendant une heure ou deux, avant de rentrer dans leurs tristes taudis : Quelquefois les jeunes gens des deux sexes se donnent rendez-vous pour battre le pavé ensemble ; trop fatigués pour se livrer à quelque jeu, ils finissent par entrer dans les tavernes à bière ou à genièvre. Bien peu de jeunes filles, eu égard au nombre de celles qui fréquentent les ateliers, se laissent séduire, et l’on ne compte pas beaucoup d’enfans naturels. Le torrent de la prostitution se répand, il est vrai, dans les rues à la chute du jour ; mais les prostituées viennent presque toutes de Shrewsbury et du Shropshire. La pauvreté du sang, la maigre chère et l’épuisement qui suit le travail ne laissent aux jeunes filles de Walverhampton ni temps ni forces, ni désir pour le mal. Elles sont protégées par l’excès même de leurs souffrances. »


De peur que l’on n’attribue cette chasteté matérielle à la retenue de sentimens, M. Home nous apprend que le langage des jeunes filles est obscène et sans pudeur. Le commerce entre les sexes, à cet âge, est donc une corruption de l’ame, s’il n’est pas une prostitution du corps. Du reste, point d’affections dans la famille : les frères et les sœurs, séparés de bonne heure, ne se connaissent pas ; les enfans, se voyant traités par leurs parens comme des machines à salaire, ne peuvent ni les respecter ni les aimer. L’éducation à Wolverhampton est en arrière de cent ans. Malgré les efforts que fait le clergé de toutes les communions, on réunit à peine la moitié des enfans dans les écoles du dimanche. Même après avoir fréquenté ces écoles pendant trois ou quatre ans, les enfans ne savent ni lire ni écrire ; il faudrait des méthodes plus sûres que celles que l’on emploie pour éveiller leur attention. Le travail,