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À Willenhall, la dégradation est complète ; ce petit bourg a pris une spécialité dans la quincaillerie : il est exclusivement peuplé de serruriers.

Dans les trois villes, la population a augmenté en raison inverse du bien-être. De 1831 à 1841, l’accroissement a été de 25 pour cent à Birmingham, de 50 pour cent à Wolverhampton et à Willenhall. La misère de l’Irlande elle-même n’approche pas de cette fécondité. Il y a là un état de choses si extraordinaire et si triste à la fois, que l’on craint de hasarder une impression personnelle ; je me tiendrai donc le plus près que je pourrai du rapport écrit Horne[1], travail remarquable et qui paraîtrait complet ; même quand on n’aurait pas publié, à l’appui des conclusions qu’il renferme, les dépositions recueillies sur les lieux.

Wolverhampton est une ville opulente. On ne trouverait pas à Birmingham un aussi grand nombre de capitalistes possédait de un jusqu’à dix millions. La plupart de ces hommes riches, ne sont pas des manufacturiers faisant part de leur richesse aux ouvriers par l’accroissement des salaires, mais bien de simples commissionnaires achetant au plus bas prix pour revendre au plus cher, et exploitant sans pitié la détresse des petits fabricans. Des riches et des pauvres qu’aucune classe intermédiaire ne joint, deux camps et un fossé entre les deux, voilà l’état social de Wolverhampton. L’on ne s’étonnera pas si, dans une pareille société, les passions politiques agitent faiblement les esprits. Une seule question est comprise et sert de point de ralliement ; je veux parler des céréales. Avant de songer aux droits politiques, n’est-il pas naturel que ces pauvres gens demandent du pain ?

Wolverhampton n’a pas l’aspect d’une cité industrielle. On traverserait vingt fois les rues principales, les seules qui portent un nom, que l’on n’apercevrait pas une manufacture ni un atelier. L’industrie, en Angleterre, a communément bien soin de se mettre en évidence ; elle multiplie les enseignes, les affiches, les placards, et fait littéralement violence à l’attention des passans. Ici, au contraire, l’on croirait qu’elle a honte d’elle-même et veut se dérober aux yeux. Les ateliers sont cachés dans des impasses et dans des cours, comme les logemens des Irlandais à White-Chapel. Les boutiques n’ont pas d’enseignes, ni les maisons de numéros. M Horne compare les fabricans de Wolverhampton à des oiseaux dont les nids sont hors de vue ; mais les oiseaux du moins ne recherchent point la fange et nichent rarement dans les

  1. Children’s employment commission.