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Un autre district du Stafford, où les ouvriers, sous la tutelle des grands capitalistes, sont encore dans une aisance à faire envie, est celui des poteries, qui comprend 70,000 habitans répartis entre les petites villes de Stoke sur la Trent, de Longton, de Fenton, de Hanley, de Burslem et de Tunstall. Ce lieu, enrichi par les belles découvertes de Wedgwood, est désigné aussi sous le nom générique d’Etrurie. Les commissaires du gouvernement en font une peinture charmante ; ils rendent hommage à la touchante bienveillance que les fabricans témoignent à leurs ouvriers. Les manufacturiers forment une classe puissante qui doit à ses lumières non moins qu’à sa richesse l’influence dont elle jouit. Plus leurs établissemens ont d’importance, plus les procédés de fabrication s’y perfectionnent, et mieux leurs ouvriers sont traités : la condition de ceux-ci s’élève en raison directe de celle des maîtres ; l’art et la société avancent du même pas.

Aucune industrie ne procure des salaires plus considérables ; les manœuvres les moins habiles gagnent encore dans les poteries 30 sh ; (37 fr. 50 c.) par semaine, ou 6 fr. 25 c. par jour pour dix heures et demie de travail. Dans certains cas, les gains réunis d’une famille représentent 3 à 4 liv. st. par semaine, soit au maximum 500 fr. par mois et 6,000 fr. par an. Combien y a-t-il de chefs d’administration en Angleterre et en France qui jouissent d’un revenu égal à celui des potiers de Burslem ? Aussi les maisons habitées par les ouvriers sont-elles propres, riantes, et souvent meublées avec élégance. Dans quelques ateliers, tels que ceux de dorure et de peinture, le travail est accompagné de chants religieux. En un mot, la population respire le contentement et le bonheur. Ce bonheur n’est pas assurément sans mélange ; le bien, qui vient trop facilement, se dissipe de même : les ouvriers des poteries aiment le luxe, la boisson, le jeu, et font peu d’économies. Un d’eux vient-il à tomber malade, il a recours à la maison de charité ou demande des avances au fabricant. Certains détails de la fabrication ont aussi des conséquences funestes à la santé ; mais ces influences pernicieuses se font surtout sentir dans les petits ateliers. Les conditions de salubrité sont meilleures dans les grands ateliers, et l’on y ménage avec plus de scrupule les forces des travailleurs. Les mêmes faits ont été observés à Sheffield, où les ouvriers émouleurs refusent d’employer les procédés, de ventilation qui pourraient leur sauver la vie, et où ces précautions d’humanité ne sont prises que par les manufacturiers qui, occupant un grand nombre d’hommes, sentent plus fortement le poids de leur responsabilité.

Voilà pour l’industrie centralisée ; venons à l’industrie parcellaire.