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donné au génie britannique plus d’exactitude et de profondeur que d’étendue, semble avoir voulu que chaque individu dans la nation ne sût et ne fît qu’une seule chose. De là cette nécessité de la grande industrie, qui localise les hommes ainsi que les pièces d’une machine et qui condamne tel d’entre eux à user son intelligence sur une pointe d’épingle ou sur une tête de clou.

Ainsi, le génie même de la nation, indépendamment des circonstances, pousse invinciblement l’industrie anglaise dans les voies de l’aristocratie. Ce qui le prouve, c’est que le travail individuel et isolé est, dans la Grande-Bretagne infiniment moins prospère que le travail de ces associations dont chacune représente une espèce de clan industriel. Sans sortir des districts sur lesquels s’étend l’action de Birmingham, on peut comparer les résultats des deux procédés.

Birmingham est situé, comme on l’a déjà vus, sur la lisière des comtés de Warwick et de Stafford, au centre d’un district industriel qui le cède à peine en importance aux comtés de Lancastre et d’York. Ce district s’étend de Stourbridge à Sheffield, et renferme une population d’un million d’hommes[1], dont l’agriculture n’emploie qu’une faible partie. C’est le monde de l’industrie métallurgique, dont les deux pôles sont figurés par Birmingham et par Sheffield, les deux marchés sur lesquels se versent tous les produits. Dans l’intervalle, le travail de la matière première, l’extraction de la houille et du minerai, la fabrication de la fonte et du fer, n’appartient aux régions aristocratiques ; la démocratie industrielle s’empare ensuite du métal et le façonne pour les usages domestiques ; elle s’applique à la quincaillerie, à la coutellerie, au placage et aux choses d’ornement.

La fabrication du fer est au nombre des industries qui ont fait depuis le commencement du siècle les plus rapides progrès. En 1796, quelques années après la découverte du traitement par le coke, la Grande-Bretagne ne comptait que 121 hauts-fourneaux, produisant 124 mille tonnes de fer brut ; en 1839, il existait dans le royaume-uni 529 hauts-fourneaux, dont 377 en feu, et la production de l’année s’élevait à 1,247, 981 tonneaux[2]. La partie méridionale du comté de Stafford avait d’abord été le siège principal de la métallurgie ; mais une concurrence formidable s’organise dans certains districts plus favorisés. Les forges du pays de Galles, placées sur le canal de Bristol,

  1. Comté de Warwich, 401,715 habitans ; comté de Stafford, 510,504 ; Sheffield, 111,000.
  2. En 1840, la production atteignit le chiffre exceptionnel de 1,400,000 tonneaux.