Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et en des termes bien meilleurs, bien plus persuasifs, on le supposera sans peine ; mais nous ne croyons pas trahir sa pensée en la produisant sous cette forme ; et voilà la période philologique qui commence.

Que ce soit le même homme de qui, il a vingt-cinq ans, partit l’impulsion philosophique, qui vienne aujourd’hui secouer si vivement, exciter si à l’improviste une branche réputée assez ingrate de la critique française, il n’y a rien là qui puisse étonner ceux qui connaissent cet infatigable esprit de verve en tous sens et d’initiative. Et puis il faut voir que le mouvement se préparait depuis quelques années : le petit nombre de libraires qui appartiennent à ce qu’on a droit encore d’appeler la librairie savante ont remarqué à quel point les amateurs se sont mis rechercher les éditions originales de nos auteurs, ces éditions premières incomplètes à quelques égards, mais qui livrent le texte à sa source et rendent l’écrivain dans sa juste physionomie. Nodier, l’habile magicien, avait su répandre sur ces recherches, en apparence fort arides, je ne sais quel attrait mystérieux qui de proche en proche s’est communiqué. Des adeptes le goût a passé au public, à un certain public, nous sommes entrés dans une veine d’éditions : on compare, on révise, on retrouve la bonne leçon qu’un peu d’inédit s’y mêle, on n’y tient pus, et on est tenté de s’écrier : Sublimi feriam sidera vertice. Des réimpressions de La Rochefoucauld, de La Bruyère, avec quelques variantes, avec deux ou trois additions, feraient envie à plus d’un bel-esprit, lesquels ressemblent en cela aux bons esprits. M. Walckenaer entreprend, dit-on, un travail à fond sur La Bruyère. Nous savons un autre travail considérable sur les Lettres de Mme de Maintenon commencé depuis plusieurs années par un de ses nobles héritiers, M. le duc de Noailles. M. de Monmerqué a dès long-temps offert l’exemple pour Mme de Sévigné. Et parmi ceux qui ne donnent pas le mouvement, mais qui se montrent attentifs à le suivre, ce genre d’influence est très sensible : le Journal des Savans contient des articles de M. Flourens sur les diverses éditions de Buffon, M. Aimé-Martin se remet en frais sur Racine. C’est assez en dire, mais il nous a semblé qu’ayant à parler de Pascal, il n’était que juste de faire à M. Cousin sa grande et brillante part d’initiative dans ce mouvement de philologie française qu’il a provoqué en partie et proclamé, dans cette levée de boucliers d’éditions classiques qui passent ainsi de la librairie proprement dit à la littérature ; nous le devions d’autant plus que, dans ce cas particulier de Pascal, nos conclusions pourront différer quelquefois