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éclaircissemens en vue des théories classiques consacrées. Lorsqu’on commença, dans ce siècle-ci, à contester les théories jusque-là régnantes, la critique s’appliqua, en sens inverse, à ces chefs-d’œuvre ; et l’on s’efforça d’y démontrer certaines lacunes et défectuosités qui tenaient aux circonstances de l’époque, au cadre de la société. Durant cette phase, qui est la seconde de la critique française, et qui se produit par Mme de Staël, Benjamin Constant et leur école, le caractère de la critique, tout en gardant son but de théorie et son idée, devient déjà historique ; elle s’enquiert et tient compte des circonstances dans lesquelles sont nées les œuvres. Le plus célèbre critique littéraire de notre temps, M. Villemain, sut à merveille concilier (et c’est là son honneur) les principales traditions de l’ancienne critique avec plusieurs des résultats de la nouvelle, et fondre tout cela sur un tissu historique plein de brillant et de charme. Mais, quoi qu’il en soit des noms, et en laissant de côté les divisions secondaires, on avait jusqu’ici deux grands momens de la critique littéraire en tant que qu’elle s’appliquait aux chef-d’œuvre du XVIIe siècle : le premier moment tout classique, tout d’admiration (sauf de légères réserves), de goût traditionnel et de bonne rhétorique ; puis le second moment qui était de réaction, d’examen un peu contradictoire, et de considération historique. Je ne parle pas des excès, excès superstitieux d’une part, excès révolutionnaire de l’autre ; on était, dans ces derniers temps, un peu à bout des théories en divers sens ; c’est alors que se lève quelqu’un qui nous dit : « Ces grands auteurs, messieurs, que vous, les uns, vous croyez imiter et continuer, que vous, les autres, vous vous attachez à combattre, à éloigner de vous comme s’ils étaient d’hier, il y a quelque chose de mieux peut-être à en faire pour le présent ; car, pendant que vous discutez, le temps passe, les siècles font leur tour, pour nous ces auteurs sont déjà des anciens ; et ils le sont tellement, prenez-y garde, que leur texte nous échappe, que l’altération s’y mêle, que nous ne les possédons plus tout entiers. Trève un moment, s’il vous plaît, aux grandes théories ! Revoyons de près nos maîtres ; restituons leur vraie parole, faisons, ne rougissons pas de faire pendant quelque temps des éditions, voire même des vocabulaires : excellent régime que je propose, même aux auteurs originaux, pour se retremper durant une saison. Les Alexandrins d’ailleurs, ces immortels grammairiens dont plus d’un était poète, n’ont pas dédaigné de faire ainsi au surlendemain des grands siècles ; ils nous ont tracé notre voie. » M. Cousin s’est donc levé, disions-nous, et il a exprimé quelque chose d’approchant