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languit-elle dans la misère ? On ne peut s’empêcher d’être sévère pour les habitans qui négligent l’exploitation des produits naturels dans un pays où ils auraient si peu d’efforts à faire pour se procurer le bien-être ; mais le plus coupable ici n’est-il pas le gouvernement qui ne sait pas donner à cette société déchue une direction utile à ses intérêts ?

Nous n’entrerons pas dans de longs détails sur l’état des cultures. La province de Rio-Janeiro est la plus importante par ses produits ; l’agriculture, dirigée en partie d’après les conseils des Européens, y a fait des progrès qu’il est facile de constater par l’exportation. Les autres parties du Brésil sont loin d’être dans un état aussi prospère. Préoccupé de naturaliser des produits étrangers, le gouvernement néglige les produits du sol : nous croyons qu’il est dans une mauvaise voie. Ces produits étrangers ne peuvent être introduits qu’à grands frais ; il faudrait, pour les faire réussir, des efforts soutenus, une activité intelligente, et l’indolence naturelle du Brésilien le rend impropre à toute culture difficile. Le gouvernement a déjà appliqué son système en favorisant l’exploitation du mûrier. J’ai vu à Rio-Janeiro des vers à soie placés sur un jeune mûrier et protégés contre les atteintes de la pluie par un réseau de toile grossière. On les laisse constamment sur l’arbre, où ils déposent leurs cocons. La soie produite par ces vers ne m’a paru inférieure en finesse à nulle autre ; le brin toutefois est un peu cassant. Le gouvernement se flatte d’obtenir une quantité de soie suffisante pour l’exportation ; mais jusqu’à présent il n’y a eu que des essais, et tout fait croire qu’on s’en tiendra là. Il en sera de cette culture comme de celle du thé, entreprise jadis à grands frais par le roi Juan VI, qui avait fait venir de Chine de pauvres travailleurs pour utiliser leur expérience Aujourd’hui ces malheureux sont morts de misère, et la plante à thé n’est plus cultivée que dans quelques jardins botaniques.

Au lieu d’encourager ces essais ruineux, le gouvernement devrait protéger les cultures indigènes, le café, la canne, le coton ; la négligence et l’ignorance des planteurs ont gravement compromis cette branche si importante de la production nationale. Repoussé jadis des marchés de l’Europe à cause de son infériorité positive et du goût terreux qu’il contracte en séchant sur un sol humide, le café du Brésil est admis aujourd’hui dans le commerce par suite de la destruction des belles plantations de Saint-Domingue et de la diminution des récoltes dans nos colonies de la Martinique et de la Guadeloupe. La qualité de ce café est bonne ; avec plus de soin dans la récolte, il