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France la possibilité d’avoir en Orient une politique isolée, nous croyons que la France, loin d’y demeurer hostile à la politique anglaise, doit être disposée à y travailler ordinairement de concert avec l’Angleterre. Cependant, et c’est la faute du ministère, là où les intérêts étaient différens, il a fait éclater les chocs au lieu de les prévenir ; là où la France n’avait pas d’intérêts hostiles à ceux de l’Angleterre, il est allé lui en créer comme à plaisir, il est allé chercher lui-même les conflits qu’il semblait intéressé plus que personne à éviter.

Il est remarquable, en effet, que les conflits les plus graves qui aient ébranlé l’alliance anglaise depuis l’existence du cabinet du 29 octobre sont uniquement sortis d’actes excentriques de la politique de ce cabinet, et non d’un antagonisme antérieur. A d’autres époques, de grands embarras sont nés de questions où les intérêts séculaires de la France sont engagés. Depuis quatre ans, le cabinet a lui-même fait naître les questions qui ont produit les difficultés. L’opinion publique n’a été émue contre l’Angleterre que par le traité du droit de visite et par les conséquences de la politique de M. Guizot dans l’Océanie. Si les amis de M. le ministre des affaires étrangères doivent être crus, s’il est vrai, comme ils le disent, que les hommes d’état anglais se montrent choqués des manifestations anti-anglaises que l’opinion publique a faites en France depuis quatre ans, qui peuvent-ils en accuser ? Si M. Guizot n’avait pas signé le traité de l’extension du droit de visite avec une intempestive précipitation dont sir Robert Peel semblait lui-même comprendre, il y a deux mois, l’imprudence, en attribuant la susceptibilité de la France sur le droit de visite à la politique de lord Palmerston, et en justifiant ainsi cette susceptibilité ; si la pensée n’était venue à M. Guizot de nous donner de misérables colonies dans l’Océanie, il n’y aurait pas eu en France de manifestations hostiles à l’Angleterre, il n’y aurait pas eu de différend entre l’Angleterre et la France. La conduite de M. Guizot compromettait l’alliance dans les choses et dans les sentimens. Tandis qu’il provoquait ici les défiances de l’opinion, ou qu’il en attisait l’irritation par les échecs dont son imprudence menaçait les intérêts ou l’honneur du pays ; tandis qu’il excitait en France des répugnances, des antipathies, des protestations contre sa politique à l’égard de l’Angleterre, auprès des ministres anglais il alléguait les sentimens hostiles qu’il avait lui-même créés, il se montrait environné de difficultés par les passions anti-anglaises qu’il prétendait avoir à vaincre. Étrange manière d’établir la bienveillance entre deux pays, que de faire peur à chacun d’eux des préjugés ou des colères de l’autre ! singulier procédé pour fonder une entente