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sur une question où notre ministère (et ce n’est pas peu dire) croyait le bon droit du côté de la France, nous a-t-il représenté le gouvernement anglais comme prêt à en appeler à la force contre l’équité ? Pourquoi, dans le langage des feuilles qui passent pour les organes de l’opinion publique dans les deux pays, tant d’irritation, tant de colères, tous les signes d’une rivalité profondément hostile, tous les symptômes d’une inimitié prête aux plus violentes explosions ? Cette émotion extérieure et toujours dangereuse est-elle l’expression des sentimens réels ? y aurait-il donc entre les sentimens et les intérêts une contradiction si profonde ? Lorsqu’on regarde à ce qui vient de se passer, il est impossible de ne pas se poser ces questions avec étonnement, avec anxiété ; il est impossible de ne pas reconnaître qu’il y a aujourd’hui dans les rapports de la France avec l’Angleterre quelque chose d’anormal, un vice réel ; on serait coupable de ne pas vouloir rechercher consciencieusement les causes de cette situation fausse, on serait coupable de fermer volontairement et plus long-temps les yeux, si, comme nous en sommes convaincus, ces causes se présentent avec la certitude d’une irréfutable évidence.

Il est clair que pour que les relations de la France avec l’Angleterre demeurassent bonnes, pour que l’alliance entre les deux pays fût heureusement et logiquement pratiquée, il fallait ces trois choses - l’intention d’agir ensemble, de s’aider mutuellement en présence d’intérêts communs ; — là où les intérêts des deux peuples diffèrent, le soin de prévenir les chocs, le soin surtout d’éviter, en créant des oppositions nouvelles d’intérêts, de nouvelles occasions de conflits ; enfin l’échange entre les deux pays de sentimens bienveillans.

Il est certain que l’absence de cette bienveillance réciproque est précisément le signe auquel se reconnaît le vice de la situation de la France vis-à-vis de l’Angleterre. Tel est le résultat dont le ministère du 29 octobre a couronné l’alliance anglaise. Ce n’était assurément pas le but qu’il se proposait ; ce n’était probablement pas non plus le résultat que le cabinet anglais avait en vue dans cette alliance, ce n’était pas le bénéfice qu’il comptait retirer des ménagemens qu’il a eus pour le ministère du 29 octobre. Or, nous le demandons, à qui attribuer cet état de choses, par lequel de si grands intérêts sont compromis, si ce n’est au cabinet du 29 octobre lui-même ?

Le ministère n’a pas eu l’occasion d’agir de concert avec l’Angleterre sur de très importantes questions. Ce n’est pas que nous pensions que des questions de ce genre ne puissent se présenter, et aujourd’hui, par exemple, que les évènemens de 1840 ont enlevé à la