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à des doctrines générales, qu’il faut aller demander les motifs des dispositions dans lesquelles peuvent se trouver les grands partis anglais à l’égard de la France. À ce point de vue, il nous paraît démontré par l’examen de la situation du parti tory, qui occupe aujourd’hui le pouvoir, que le ministère actuel est aussi éloigné par ses intérêts que l’Angleterre elle-même de la rupture des relations pacifiques avec la France. On sait quelle est la grande difficulté du parti tory c’est l’Irlande. Sans doute, dans une guerre avec l’Angleterre, nous ne devrions pas nous attendre à rencontrer, dans l’Irlande combattant pour son indépendance, une alliée puissante ou fort sûre ; pourtant il n’en est pas moins vrai que le gouvernement anglais ne pourrait s’engager dans une guerre sous la menace d’une insurrection irlandaise, et qu’il serait forcé, avant de prendre les armes, d’apaiser les griefs de ce pays. Mais le principal de ces griefs est la réclamation d’une part proportionnée dans la représentation nationale, égale à celle que la législation du royaume-uni assure à l’Angleterre, à l’Écosse et au pays de Galles. Si l’on accordait aux Irlandais le nombre de représentans qu’ils devraient avoir à la chambre des communes, les voix qu’on leur donnerait allant se joindre aux whigs, l’équilibre actuel des partis serait bouleversé, la majorité qui soutient le ministère tory serait ou compromise, ou transformée en minorité. Le jour où, sous le poids d’une nécessité aussi impérieuse que le serait le péril d’une guerre, les tories cèderaient à l’Irlande, ce jour-là ils signeraient leur abdication. D’ailleurs les finances, le budget, ressentent immédiatement le contre-coup de la guerre. Le ministère de sir Robert Peel est arrivé précisément au pouvoir à la suite du déficit que la politique belliqueuse du parti whig avait laissé dans les revenus du royaume-uni ; c’est sur les mesures que les whigs proposaient pour combler le déficit que sir Robert Peel les a renversés. Ce n’est que par des remaniemens de tarif, par l’imposition d’une taxe nouvelle et pesante, par des mesures qui ont refroidi envers lui plusieurs de ses amis politiques, que sir Robert Peel a pu fermer le déficit. Le croit-on disposé à rouvrir le gouffre qui a été fatal à ses adversaires, et à donner un démenti complet à toute la politique qu’il a pratiquée depuis qu’il a en mains le gouvernement ? Enfin il y a entre les situations et les hommes une correspondance étroite, une solidarité réelle. Sir Robert Peel, dont le génie s’accorde si bien avec les besoins actuels de l’Angleterre, sir Robert Peel n’est pas le ministre de la guerre ; il est le ministre de la paix. Toute sa carrière a été dirigée vers les préoccupations pacifiques, vers la solution des questions économiques, vers l’étude des intérêts de