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et les gâteaux sacrés. Toute cette décoration de la scène est irréprochable.

Antigone et Ismène sortent du palais. Elles viennent faire ce que nous appelons l’exposition, et ce que, du temps d’Eschyle et de Sophocle, on appelait le prologue. Cette partie du drame ancien éprouva, comme on sait, par le fait d’Euripide, une profonde modification, qui ne fut pas un progrès. Après le prologue, les choreutes, ayant à leur tête le chorège ou le coryphée (ce qui n’était pas la même chose du temps de Sophocle), viennent un à un, et appuyés sur des bâtons recourbés[1], prendre place non pas sur le proscenium, qui appartenait en propre aux comédiens, mais sur l’orchestre, où ils se rangent, par demi-chœur, des deux côtés du thymélé. Ils sont entrés tout simplement par une coulisse. La descente du chœur dans l’orchestre se faisait sur les théâtres grecs avec beaucoup plus de solennité ; on le voyait sortir des parascenia où il s’était préparé[2], et descendre par un escalier qui manque ici. Aristophane, dans les Nuées et dans les Oiseaux, nous montre les acteurs placés sur le proscenium s’amusant à voir l’irruption de ces singuliers hôtes qui sortaient par essaims des portes des parascenia et se répandaient, avec des danses grotesques, dans l’orchestre. Ces escaliers des parascenia servaient encore de passage aux acteurs qui venaient à pied du dehors. Arrivés dans l’orchestre, ils montaient sur le proscenium par un autre escalier en forme de perron que vous voyez là, derrière le thymélé. Quant au nombre des choreutes, je crois qu’il excède ici quelque peu celui de quinze, auquel on avait réduit le chœur tragique du temps de Sophocle.

L’exiguité de l’orchestre, formé par un simple retranchement de quelques pieds pris sur l’avant-scène, atténue beaucoup l’inconvénient si grave que j’ai signalé plus haut ; mais, d’une autre part, cette exiguité a l’inconvénient de ne pas permettre au chœur l’exécution des marches si variées qui étaient un de ses principaux devoirs dans les cérémonies théâtrales. Le chœur se borne ici à quelques évolutions autour de l’autel du dieu. Ces espèces de rondes étaient, pour le

  1. Les vieux Argiens qui composaient le chœur de l’Agamemnon s’appuyaient aussi sur des bâtons recourbés. Voy. Agamemnon, v. 75.
  2. Les parascenia avaient donc deux espèces de portes, les unes qui communiquaient de plain-pied avec le proscenium, les autres qui conduisaient par un escalier dans l’orchestre. Ce sont ces dernières portes que Midias eut l’audace de fermer à clé pour rendre Démosthène, comme lui chorége, ridicule par le retard forcé du chœur qu’il présidait.