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eux, et souvent dans la langue originale, Sophocle, Plaute, Térence[1]. À Rome, en 1474, l’Hippolytus de Sénèque fut représenté avec beaucoup de pompe dans le palais du cardinal de Saint-George, Raphaël Ricorio, neveu de Sixte IV. Un jeune homme de quatorze ans, devenu plus tard poète, orateur et bibliothécaire du Vatican, Thomas Inghirami, fut chargé du rôle de Phèdre et s’en acquitta si bien, que le surnom de Phœdra lui en est resté[2]. Les représentations de pièces traduites ne furent pas moins nombreuses. En 1486, Hercule Ier, duc de Ferrare, fit jouer sur un grand théâtre, élevé dans la cour de son palais, l’Amphitryon et les Menechmes de Plaute, dans une traduction à laquelle lui-même avait mis la main. Chez nous, Pierre Ronsard, encore écolier, traduisit le Plutus d’Aristophane en vers et le représenta avec ses condisciples dans le collège de Coqueret. La mise en scène des comédies latines n’offrait que peu de difficultés ; mais la tragédie grecque, avec ses chœurs, présentait, comme à présent, un problème des plus ardus. Quoique l’on fût loin alors de posséder les notions archéologiques que les travaux des deux derniers siècles ont amassées, on était pourtant, à la fin du XVe siècle, dans de meilleures conditions qu’aujourd’hui pour entreprendre de tels essais. Comme il n’existait point, ou qu’il existait peu de salles de spectacle permanentes, on avait besoin, pour chacune de ces solennités, d’élever des théâtres dont rien n’empêchait de rapprocher la forme des dispositions connues ou soupçonnées des théâtres anciens. Malheureusement, la prédilection toute naturelle des Italiens pour Plaute et Térence, et les facilités plus grandes qu’ils avaient pour étudier les monumens romains, portèrent les plus habiles architectes de la renaissance. à reproduire, dans ces occasions, plutôt le type des théâtres de l’Italie que celui des théâtres de la Grèce, dont les restes, déblayés aujourd’hui en grand nombre et bien étudiés, étaient encore assez peu connus.

De là vint que l’illustre Palladio, qui avait construit pour de pareilles représentations plusieurs théâtres temporaires (un, entre autres, en 1565, à Vicence, sa patrie, dans la grande salle du palais de justice, où l’on représenta une imitation libre de l’Édipe-roi), ayant

  1. Cet usage s’est perpétué jusqu’à nos jours. On a donné à Berlin, cette année même, 5 mars 1844, une représentation latine des Captifs de Plaute.
  2. Un accident vint accroître encore l’admiration. On raconte que, la chute d’une machine ayant interrompu la représentation, le jeune acteur fit prendre patience à l’assemblée en improvisant en latin plusieurs pièces de vers fort applaudies. Voy. Amaduzzi, Anecdota litterar., t. III, p. 278.