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tous ces témoignages vénérables. Walther de Vogelweide y apparaît le premier, puis viennent ses disciples, Freidank, Marner, Reinmar de Zweter ; ensuite ce sont les écrivains du XVIe siècle, Martin Luther, Hans Sachs, Erasmus Alberus, Burkard Waldis, Jean Fischart. Un choix très habile, accompagné de notices courtes et suffisantes, fait comparaître successivement tous ces défenseurs du libre esprit, et ces voix du passé, ce concert qui monte et s’accroît est d’un effet grave et puissant. Un autre écrivain, M. Hermann Margraff, a exécuté aussi un travail semblable ; il commence où s’arrête M. Hoffmann, et suit cette même famille, de Klopstock jusqu’à nous. Voilà d’excellentes études. Ce ne sont pas seulement les titres de noblesse de la poésie politique, ce sont des armes invincibles. Quand la poésie devra consacrer quelque événement particulier, quand les circonstances devront lui arracher des cris sublimes, la Muse, malgré la liberté qui lui est indispensable, ne perdra rien à connaître ce qu’ont chanté les ancêtres. Si cette autre poésie surtout, animée aussi d’un esprit politique, mais plus indépendante des circonstances, si cette littérature ferme et sensée, claire et pratique, que l’Allemagne demande aujourd’hui, veut s’organiser efficacement et produire des fruits heureux, elle trouvera des ressources énergiques dans ces traditions du pays, comme nous sommes sûrs de n’en manquer jamais, en France, avec Jean de Meung, Villon, Rabelais et La Fontaine.


SAINT-RENE TAILLANDIER.