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La haine de la France, qui est un lieu commun si séduisant pour certains esprits aveugles au-delà du Rhin, occupa long-temps une partie de la presse, mais ces clameurs étaient poussées par des journaux sans nom, par des écrivains volontiers ridicules, par M. le docteur Wirth et son Forum allemand. Dans tout cela, il serait difficile de rien rencontrer de littéraire et qui méritât une attention sérieuse. Il y eut bien aussi de nombreux volumes de vers à notre adresse, défis, provocations, fanfaronnades ; poésie de cour, poésie de gentilshommes désœuvrés. Parmi ces adversaires dont nous ne nous doutions pas, on trouverait, en cherchant bien, des généraux, des ducs, des princes, qui faisaient résonner tant bien que mal la trompette héroïque. Ce n’est pas non plus de ces honnêtes écrivains que je veux parler ; il n’est sorti du mouvement de 1840 que ce bataillon de poètes démocratiques, lequel, par son talent, son audace, sa vivacité, a véritablement agi sur les lettres allemandes, leur a imprimé une direction inattendue, et mérite qu’on discute avec sincérité l’influence bonne ou mauvaise qu’il a eue déjà ou qu’il peut exercer encore.

L’écrivain qu’il faut nommer d’abord, parce qu’il a été le premier héros ou la première victime de l’insurrection, c’est M. Hoffmann de Fallersleben. Son recueil publié à Hambourg, en 1841, sous le titre de Chansons non politiques, ne révèle pas précisément un poète original, mais un talent joyeux, affectueux, assez spirituel, assez hardi, et il ouvre convenablement, comme une ouverture agréable et railleuse, le chœur sonore qui va s’élever et frémir de plus en plus sous les archets irrités. La plupart des idées qui animeront tout à l’heure des poètes plus ardens, on les trouve déjà chez M. Hoffmann de Fallersleben ; ce sont les mêmes antipathies, les mêmes haines, les mêmes déclarations de guerre. Seulement, M. Hoffmann prend les choses du côté bouffon ; au lieu de s’indigner, il raille. Sa raillerie est bien allemande ; elle a une allure particulière, une saveur natale, un goût de terroir qui ne messied pas. Joyeuse, sans façon, un peu gauche, un peu grossière parfois, l’auteur l’a trouvée le plus souvent au fond d’une cruche de bière. Malgré cette bonhomie, cependant, on entend çà et là quelques accens plus doux ou plus fiers ; un sentiment poétique qui ne manque pas de grâce fait par intervalles d’heureuses apparitions, mais on est bien vite ramené aux facéties, aux propos de table, aux grelots et au tambourin.

Le premier volume des Chansons non politiques contient sept parties, sept divisions, que l’auteur appelle des séances. Chacune de ces séances s’ouvre, comme il convient, par une chanson à boire : « Quand