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persistât à faire coucher M. de Bourqueney dans son lit à Térapia, sans lui en demander la permission. Mille bruits en ont couru, et le nom de sir Straftord Canning a été plus d’une fois prononcé. L’incident de M. de Salvandy et la vacance de Turin ont mis seuls fin à une position des plus originales. Mais quel incident viendra régulariser enfin la position de M. de Bacourt, supplanté à Washington, et celle de M. le baron Deffaudis, qui dut un beau matin céder la place à M. le marquis de Chasseloup-Laubat, devenu tout à coup une nécessité parlementaire ? Les notes remises à la commission apprennent, dit-on, que notre ancien ministre à Francfort aurait été rappelé pour se livrer, dans la rue des Capucines, à des travaux spéciaux sur les traités de commerce, et qu’une somme de trente mille francs est affectée, depuis deux ans, à ces études fort intéressantes assurément, et qu’au train dont vont les choses, M. Deffaudis aura tout le loisir de compléter. La malveillance va jusqu’à supposer qu’un motif analogue à celui qui a conduit cet ancien ministre à Paris pourrait avoir poussé M. de Lagrenée en Chine : on insinue que le besoin de donner une compensation à un ami politique malheureux n’aurait pas été étrangère au départ de cette gigantesque ambassade, dont il faut espérer que nous apprendrons un jour l’entrée à Pékin. Jusqu’aujourd’hui, la seule chose certaine est une demande de crédit supplémentaire de 438,000 fr. pour les deux exercices.

La chambre est trop préoccupée des affaires de l’Océanie, et les dernières interpellations ont trop vivement agité les esprits pour que la discussion des crédits supplémentaires n’amène pas la suite naturelle et nécessaire des explications commencées. La législature, d’ailleurs, est officiellement saisie de la question, et ne peut reculer devant elle. Un projet de loi, présenté le 24 mars dernier et renvoyé à la commission des crédits, l’oblige à se prononcer sur la dépense des établissemens français dans l’Océanie. Le débat est donc inévitable, et nul ne saurait songer à le décliner.

Le ministère va être mis en demeure de déclarer s’il persiste à refuser communication des deux rapports du nouveau gouverneur envoyé par lui-même dans nos possessions, et le pays tirera de ce refus les conséquences naturelles. Si M. Bruat, dont la prudence inspirait l’année dernière au cabinet une confiance illimitée, a été l’auteur principal de l’acte auquel l’amiral Dupetit-Thouars a attaché son nom, si le premier de ces officiers supérieurs a péremptoirement démontré que la situation définie par le protectorat est devenue impossible en présence de faits nouveaux, il faudra bien que la chambre tire de tout cela cette induction : ou que le désaveu a été une faute immense, ou que l’occupation des Marquises et de Taïti a été un acte d’une légèreté incomparable. C’est l’avenir de ces établissemens qui va désormais faire le sujet des débats. Il faut que la France sache bien ce qu’elle va faire en Océanie, et elle ne votera pas assurément le crédit de 1,225,000 francs réclamé pour l’acquisition de deux bateaux à vapeur affectés au service particulier de nos établissemens, avant d’être fixée sur le caractère de ces