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la conviction que l’on trouverait aisément les moyens d’armer une véritable flotte à vapeur et d’encourager une industrie utile, en demandant au commerce de belles et bonnes machines, comme il sait les faire.

Si je traçais ici le tableau réel de notre marine à vapeur, si je disais que sur ce chiffre de quarante-trois navires à flot que comporte le budget, il n’y en a pas six qui puissent soutenir la comparaison avec les navires anglais, on ne me croirait pas, et je n’aurais pourtant avancé que la stricte vérité. Le plus grand nombre de nos bâtimens appartient à cette classe de navires bons en 1830, où ils furent créés, mais aujourd’hui, à coup sûr, fort en arrière de tout progrès. Ces navires, assujettis dans la Méditerranée à une navigation sans repos, sont presque tous arrivés à une vieillesse prématurée. Comme je l’indiquais tout à l’heure, ils ne suffisent plus au service d’Alger et aux missions politiques qu’il faut bien leur confier, à défaut de bâtimens meilleurs. Les officiers qui les conduisent rougissent de se voir faibles et impuissans, je ne dirai pas seulement à côté des Anglais, mais des Russes, des Américains, des Hollandais, des Napolitains, qui ont mieux que nous.

On m’accuserait d’atténuer comme à plaisir nos ressources de guerre, si je n’y faisais pas entrer nos paquebots transatlantiques et ceux de l’administration des postes. Sans doute il y a quelque utilité à attendre de ces navires ; mais d’abord ils n’appartiennent pas à la marine, qui n’a rien à leur demander en temps de paix, et l’on s’est trompé, en outre, quand on a cru pouvoir dans leur construction et leurs aménagemens les approprier à la fois à leur service et à celui de la guerre[1].

On fait contre l’emploi général d’une marine à vapeur l’objection de la dépense.

Ma première réponse sera qu’en fait de précautions à prendre pour la garde de son honneur et la défense de son territoire, la France a souvent prouvé qu’elle ne calculait pas ses sacrifices. Mais j’accepte l’objection, et j’accorde que les machines et les chaudières coûtent fort cher ; j’ajoute seulement que rien n’obligerait à faire en une seule année toute la dépense, et que, dans l’intérêt même d’une fabrication aussi étendue, il y aurait avantage à en répartir la charge sur plusieurs budgets consécutifs. Il faut considérer ensuite que les machines bien entretenues durent fort long-temps, de 20 à 25 ans, et

  1. Voir annexe A.