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Mais toute réunion de navires, qu’ils soient à voiles ou à vapeur, atteindra le même but. Il n’est pas nécessaire d’avoir pour cela des vaisseaux, de toutes les machines flottantes les plus coûteuses, des vaisseaux que, la guerre venant, il faudrait désarmer.

Ne vaut-il pas mieux employer les loisirs de la paix à préparer et à aiguiser une lame qui porterait des coups assurés en temps de guerre ? Je ne crains pas de l’affirmer, de la formation d’une escadre à vapeur sortiraient plus d’idées nouvelles et de véritables progrès qu’il n’y en a eu depuis les leçons de la dernière guerre.

Enfin, et tout est là, portons nos regards au-delà du détroit, et voyons ce que fait l’Angleterre ; voyons la décision avec laquelle ce pays si sagace, si éclairé sur ses intérêts, a su renoncer aux vieux instrumens de sa puissance, et se saisir d’une arme nouvelle[1].

Assurément, si quelque part on devait tenir au maintien des escadres à voiles, c’était dans les conseils de l’amirauté britannique : on en a tiré assez de profit et de gloire.

Mais on a suivi la marche du temps, on a écouté les conseils de l’expérience, et l’on a compris que les vaisseaux devenaient inutiles alors qu’une nouvelle force navale, capable de tout faire en dépit d’eux, était entrée dans le monde.

Aussi, regardons-le, à notre escadre, clouée depuis long-temps par la force des choses dans la Méditerranée, qu’oppose le gouvernement anglais ? Trois vaisseaux[2] ; mais en revanche il a onze bateaux à vapeur, dont neuf de grande dimension, et avec cette force il en a assez pour faire régner son pavillon et triompher sa politique. Notre budget, je le sais, nous donne un effectif de quarante-trois navires à vapeur : c’est quelque chose ; mais on sait en Angleterre à quoi s’en tenir sur la valeur sérieuse de ces navires, et voici quel total on met en regard du nôtre.

En tout, la Grande-Bretagne compte aujourd’hui cent vingt-cinq navires à vapeur de guerre. Sur ce nombre, soixante-dix-sept sont armés, et il faut y ajouter deux cents bateaux de marche supérieure, aptes à porter du gros canon et des troupes, que la navigation marchande fournirait à l’état le jour où cela serait nécessaire.

  1. Voir annexe A et tableau n° 4.
  2. Le gouvernement anglais réduit cette année de dix-sept à neuf le nombre de ses vaisseaux armés. Trois du premier rang (à trois ponts) seront employés comme vaisseaux de garde dans leurs ports : Sheerness, Portsmouth, Plymouth ; trois dans la Méditerranée, un dans l’Océan Pacifique, un en Chine, un aux Antilles et Amérique du Nord. Sept de ces neuf vaisseaux sont destinés à porter des pavillons d’officiers-généraux.