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DE LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALE.

mot seul exerce une fascination irrésistible en Italie, c’est là qu’il cherche un centre et une base pour le mouvement national. Il ne craint pas d’ouvrir l’Italie aux idées étrangères, car il sait que dans l’application de ces idées le génie italien reprendra toujours le dessus. C’est dans la sagesse des peuples qu’il espère pour concilier les idées européennes avec les exigences de la nationalité. Ces peuples ont fait leurs preuves ; on peut s’en remettre à leur prudence, il serait téméraire de les devancer dans une œuvre qui exige tant de sacrifices, beaucoup de force et une occasion ; il serait absurde de vouloir les diriger en leur parlant un langage d’une autre époque, en contradiction avec les idées et les intérêts de la civilisation actuelle.

Nous ne pouvons mieux justifier nos espérances dans le génie italien qu’en revenant une dernière fois à M. Rosmini. La force de sa critique, la finesse de ses aperçus, la variété de ses applications, cette casuistique qui transforme la science depuis la métaphysique jusqu’à la politique, tout chez lui présente les caractères de l’esprit national. Mais cet esprit ne s’immobilise pas dans le culte du passé. Si M. Rosmini réhabilite l’histoire de la philosophie, s’il rappelle presqu’à son insu une série de philosophes italiens oubliés ou méconnus pendant le XVIIIe siècle, il inaugure aussi le rationalisme moderne en Italie. Quelquefois superficiel sur les points les plus importans de l’érudition philosophique, par exemple sur l’histoire du réalisme, il déploie dans les matières légales et physiologiques des connaissances profondes qu’on s’étonne de trouver chez un homme absorbé par la science de la pensée. Ce n’est pas là une érudition morte ; M. Rosmini cherche à deviner par la dialectique les mystères de la vie, de l’instinct, des rêves, des hallucinations, de la vue, de la génération. Il tire d’un seul principe les applications les plus variées, il élève sur une première théorie vingt théories plus ingénieuses les unes que les autres. Il entrelace par de nombreux liens tout un système de théologie positive à l’anthropologie, à la morale, à la philosophie de l’histoire et à la métaphysique. À cette richesse de génie et d’inspiration, à ce travail si varié, à cette discussion qui embrasse tout, depuis l’idylle jusqu’à la Somme de saint Thomas, il faut bien reconnaître, sinon la force, du moins le caractère du génie italien, toujours compliqué, laborieux, habile à tourner les obstacles, et cette fois beaucoup trop habile à se tromper.

Il est malheureux qu’entraîné par une insurmontable disposition d’esprit, M. Rosmini ait entrepris la critique de l’état sans s’arrêter un instant à la critique de l’église. Après avoir blâmé la concurrence, il