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cause commune avec les écoles étrangères. M. Mamiani conseille de revenir aux auteurs de la renaissance. Quelle est donc cette méthode inconnue, oubliée, qui n’a pas empêché les Italiens de s’égarer, l’Europe de se diviser, les philosophes du XVIe siècle de se combattre sans cesse, et qui pourtant doit nous mettre d’accord et bannir à jamais toutes les dissensions ? M. Mamiani l’expose dans une série d’aphorismes pris çà et là chez Campanella, chez Galilée, chez Patrizzi, chez une foule de penseurs fort opposés les uns aux autres, et d’accord en cela seul qu’ils avaient du génie et acceptaient la logique d’Aristote. Ces aphorismes se réduisent en général à des axiomes vieux comme le monde, à des conseils d’une complète insignifiance, et à des préceptes tirés de l’Organon d’Aristote.

La philosophie de M. Mamiani se présente comme l’application de cette méthode, et on devine qu’elle n’est pas de force à mettre les philosophes d’accord. Les anciens débutent par l’ontologie, les modernes par la psychologie ; psychologue par conviction, ontologue par préjugé, M. Mamiani confond les deux procédés, et la confusion qui éclate au début plane sur tous les développemens du système. D’un côté, M. Mamiani veut faire abstraction de l’origine de la connaissance, il interdit à M. Rosmini la recherche préliminaire de l’origine des idées, qu’il croit incertaine, et, entraîné par les tendances irrésistibles de la psychologie, il veut fonder la certitude sur l’histoire phénoménale de l’esprit humain. Il défend à M. Rosmini de douter de l’intuition, c’est là pour lui un premier principe ; puis il veut prouver la raison et donner la démonstration rigoureuse et syllogistique de toutes les vérités intuitives, qui, suivant lui, n’avaient pas besoin de démonstration. M. Mamiani veut éviter la recherche de l’origine des idées, mais les difficultés de la psychologie l’entraînent, le dominent ; il en vient à nier l’existence des idées innées et à expliquer comment elles se forment par la généralisation. Enfin il veut renouveler l’ancienne philosophie italienne, il cite au hasard cent philosophes qui seraient bien étonnés de se rencontrer dans un même livre, il donne une tournure antique, sentencieuse, prétentieuse, à toutes ses déductions, et ce renouvellement de l’ancienne sagesse se réduit à un sensualisme incertain, composé avec quelques idées de Reid et de Destutt de Tracy.

M. Mamiani se trompait avec plus d’esprit qu’il n’en fallait pour écrire un bon livre ; il cherchait une voie nouvelle, et n’est pas novateur qui veut l’être ; il cherchait une méthode sûre, et il ne pouvait la trouver en faisant de la philosophie une question de vanité nationale. Cepen-