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dire l’empire, ne constitue aucune société ; elle laisse les hommes dans l’état de nature. L’origine de l’association est dans la pensée, elle ne commence qu’à l’instant où plusieurs hommes ont la conscience de tendre au même but ; elle ne subsiste que tant que subsiste l’intimité des associés. Personne n’a droit de commander à la pensée ; donc, personne n’a droit d’empêcher une association morale. Tous les hommes tendent à la vérité, au bien, à la vertu ; donc la vérité, le bien, la vertu, sont les élémens de l’association universelle. La vérité, le bonheur et la vertu sont identiques avec Dieu ; donc Dieu est le principe de cette association, il en est le chef, nous sommes naturellement sous son empire, et il est le maître absolu du genre humain, La domination divine est raisonnable, car elle tient au premier principe de la raison, l’être ; naturelle, car elle dépend du premier principe de la création ; providentielle, puisqu’elle se trouve établie à notre avantage. La morale, le culte, l’obéissance, tels sont les trois caractères de notre servitude envers Dieu, qui prescrit de suivre la lumière de la raison, de reconnaître son empire, et de nous soumettre à la volonté divine.

Ce plan d’une société universelle soumise à Dieu, comment peut-il se réaliser ? Par l’intervention même de Dieu, qui est déjà descendu parmi nous pour préparer son règne. D’abord il est venu distribuer le bien et le mal au peuple juif pour révéler à la raison humaine la distinction qui existe entre l’infini et la nature, le bien-être et la vertu. Nous avons dû à une autre intervention divine, à la prédication des apôtres, la révélation d’une vie éternelle et d’un Dieu illimité. Enfin, une nouvelle intervention toute morale s’accomplit par les miracles de la grace. Il ne suffisait pas de nous apprendre par les miracles à séparer Dieu de la nature, puisque, malgré les miracles, on peut nier Dieu. Il ne suffisait pas de nous donner la perception de la vérité, puisque cette perception n’empêche pas l’homme de se livrer à ses passions. Il fallait fortifier aussi nos sentimens. Or, d’où vient en nous ce sentiment, cette foi qui nous unit réellement à la société universelle ? C’est là un don de Dieu : les anciens avaient entrevu l’association de tous les hommes ; ils n’y croyaient pas ; Dieu leur avait refusé la foi dans leurs propres idées, car il ne devait rien à une société dégénérée qui avait violé ses lois. Le don de la grace n’a été accordé qu’au Rédempteur.

Le Christ est en même temps Dieu et homme : comme Dieu, c’est le Verbe, la lumière de la raison ; il jouit de tous les droits du père, et par conséquent il est le maître absolu du genre humain ; comme