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CONQUÊTE DU SCINDE. — GUERRE CONTRE LE GWALIOR.

tinuer à occuper l’île de Bukkur. » Maintenant, s’est écrié lord Ashley, je le demande à la chambre, y avait-il un degré de défiance, y avait-il une forme de défense, y avait-il quelques moyens, dans les limites de la morale, que les émirs n’eussent, après cette lettre, le droit d’employer pour se défendre eux-mêmes contre une agression si manifeste et si peu scrupuleuse, et pour s’efforcer de conserver ce qui leur restait encore de leur territoire ? » Lord Ashley a été applaudi par une nombreuse portion de la chambre, lorsqu’il a prononcé ces paroles ; les applaudissemens l’ont encore interrompu, lorsque, parlant de la manière dont le procès des émirs a été instruit par sir Charles Napier, qui, suivant son heureuse expression, ne cherchait contre les émirs que de bons prétextes, il a rappelé qu’en somme on ne les a condamnés que sur deux lettres dont ils niaient l’authenticité, et que, malgré leur demande et contre tout principe de justice, on a refusé de leur représenter. Enfin, pour prononcer contre la conduite du gouverneur-général et de sir Charles Napier dans toute cette affaire une condamnation irrévocable, il n’avait qu’à lire à la chambre, et c’est ce qu’il n’a pas manqué de faire, une lettre écrite par l’officier qui avait conclu en 1839 le traité du protectorat avec les émirs, sir Henry Pottinger, aujourd’hui plénipotentiaire du gouvernement anglais en Chine : « Votre lettre a fait revivre dans ma mémoire les jours heureux et joyeux que j’ai passés dans le Scinde, et en la lisant j’ai plus profondément déploré la déchéance de mes vieux amis les émirs. J’ai dit et je dirai toujours dans toutes les circonstances, en tout lieu, devant qui que ce soit, toutes les fois que l’on fera allusion à notre conduite à leur égard, que c’est un des actes les plus pervers et les plus honteux qui aient jamais souillé les annales de notre empire dans l’Inde. Aucune explication, aucun raisonnement ne pourra enlever la tache qu’elle a laissée à notre bonne foi et à notre honneur, et comme je suis au fait plus qu’aucun homme vivant des évènemens et des mesures passées qui se rapportent à ce pays sacrifié, je me crois le droit d’exprimer mon opinion et mes sentimens à ce sujet. » Personne, dans la chambre des communes, ne pouvait réfuter cet arrêt : tout le monde aussi plaignit le sort des émirs ; mais la plupart des membres furent de l’avis de sir Robert Peel : « Vous pouvez émettre toutes les propositions qu’il vous plaira, disait le froid baronnet, sur la convenance qu’il y a à observer dans notre politique indienne les règles et les principes observés entre les états européens, vous pouvez voter des actes du parlement qui interdisent au gouverneur-général d’étendre ses territoires par la conquête ; mais je crains que partout