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CONQUÊTE DU SCINDE. — GUERRE CONTRE LE GWALIOR.

pays à entretenir cette brigade, le gouverneur-général, ne pouvant plus douter de la trahison du ministre, prépara sa grande expédition contre Gwalior.

Une fois entré avec son armée dans les états du maharadjah, lord Ellenborough changea de langage, et montra le fond de sa pensée : il signifia aux Mahrattes, déjà émus par son attitude agressive, des prétentions nouvelles qu’il savait ne pouvoir être admises sans une résistance opiniâtre par ce peuple fier et belliqueux. Il exigea que l’armée de Gwalior fût refondue et placée sous le commandement d’officiers anglais, et que le parc de trois cents canons qui était la force et l’orgueil du pays lui fût livré. En apprenant ces exigences, les chefs mahrattes empêchèrent la princesse douairière et le radjah de se rendre au camp de lord Ellenborough et se préparèrent à combattre. C’était ce que voulait le gouverneur-général. Il en vint à bout après les deux sanglantes batailles de Maharajpour et de Punniar. Les Anglais ont occupé Gwalior : le radjah vaincu a subi un nouveau traité qui réduit son autorité à l’administration purement civile. Son ancienne armée a été licenciée ; de nouvelles troupes s’organisent en ce moment sur le modèle de celles de la compagnie et sous le commandement d’officiers anglais. Enfin l’autorité ministérielle doit avoir été confiée à un oncle du dernier radjah, qui s’était toujours montré dévoué aux intérêts britanniques, et voilà de quelle manière, en 1844, un nouveau protectorat anglais a été établi dans l’Inde.

Comment de pareils actes sont-ils jugés en Angleterre ? Les prétextes allégués, les moyens employés, sont toujours blâmés par quelques voix généreuses, lorsque ces moyens et ces prétextes bafouent trop effrontément l’équité. Mon Dieu ! qui a flétri avec une éloquence plus noblement indignée les premiers agrandissemens de la puissance anglaise dans l’Inde que Burke, Sheridan, Wyndham, Fox, Pitt, qui, pendant vingt ans, ont fulminé contre Warren Hastings de si véhémentes verrines ? Ce qui s’est passé à propos des conquêtes de cet homme, qui avait autant de génie qu’il avait peu de principes et de scrupules, se reproduit à chaque fait nouveau, seulement avec moins de pompe et de sérieux. Les philanthropes et les rhéteurs envoient quelques reproches énergiques à la politique perfide ou cruelle des gouverneurs de l’Inde ; les hommes pratiques ne se prononcent pas sur les moyens : ils se bornent à dire qu’on ne peut juger la politique indienne avec les idées européennes. La loyauté anglaise se tenant pour satisfaite des vertueuses apostrophes de quelques lords ou de quelques commoners, la puissance britannique jouit, en toute tran-