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du mois de mars 1843, put, maître du Scinde, le déclarer à jamais réuni aux possessions britanniques dans l’Inde.

Il suffit de raconter de pareils faits pour les faire juger : il y a quelque intérêt à voir comment ils ont été appréciés en Angleterre par les chambres et par le gouvernement[1] ; mais avant d’en venir à cette partie de l’enseignement que nous voulons tirer de l’examen des derniers actes de la politique anglaise dans l’Inde, disons un mot de l’expédition contre les Mahrattes, qui vient de se terminer par la prise de Gwalior.

Il y a trois choses à considérer dans une entreprise des Anglais dans l’Inde : l’intérêt, le prétexte et les moyens ; l’intérêt qui détermine l’entreprise, le prétexte allégué pour la couvrir, les moyens employés pour la mener à fin. Les Anglais, et c’est ce qui fait la grandeur et l’étonnant succès de leur politique, ne se trompent jamais sur l’intérêt. Quant au prétexte, ils s’en soucient peu : plus l’intérêt est important, moins ils ont de répugnance à choisir de mauvais prétextes ; ils s’inquiètent moins encore de l’équité et de l’humanité des moyens, et c’est ce qui fait que leur politique est presque toujours aussi injuste qu’elle est heureuse, aussi impitoyable qu’elle est grande.

Nous ne doutons pas que lord Ellenborough n’eût d’excellentes

  1. Pour terminer l’exposé des procédés des Anglais à l’égard des émirs, il nous resterait à parler du traitement qui a été infligé à ces chefs après leur défaite. Dépouillés de leurs trésors, ils ont été, au nombre de vingt, transportés à Bombay, où on les a emprisonnés. Parmi ces malheureuses victimes, il y avait des vieillards, comme Roustum, âgé de quatre-vingt-cinq ans, des jeunes gens de moins de dix-huit ans, comme les fils de l’émir Noussir, qui avaient été remis par leur père aux soins de l’Angleterre avec de touchantes expressions de confiance, enfin des chefs qui n’avaient pris aucune part aux dernières complications politiques, et d’autres qui étaient restés les constans alliés de la politique anglaise. On sait combien les Anglais se sont récriés contre l’amiral Dupetit-Thouars pour avoir appelé Pomaré, après sa déposition, Mme Pomaré dans la suscription d’une lettre. Or, voici dans quels termes le général Napier répondait à quelques plaintes des princes déchus, devenus ses prisonniers ; il écrivait le 18 mars 1843 aux émirs d’Hyderabad : « Je suis fort surpris des mensonges que vous débitez. Je ne supporterai pas plus long-temps cette conduite, et si vous venez encore m’importuner avec des faussetés grossières, ainsi que vous l’avez fait dans vos deux lettres, je vous jetterai en prison, comme vous le méritez. Vous êtes prisonniers, et quoique je ne veuille pas vous tuer comme vous avez ordonné à votre peuple de tuer les Anglais, je vous mettrai aux fers dans un navire. Shere-Mahomet est un homme très faible, qui travaille à sa perte, et vous préparerez la vôtre, si vous ne vous soumettez pas plus tranquillement au sort que votre folie a appelé sur vous. Je ne répondrai plus à vos lettres : elles ne sont que la répétition de grossiers mensonges que je ne veux pas tolérer. »