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temens ont consisté à « mettre de la boue sur sa porte. » Il est clair que ce n’est pas sur des faits de cette nature que lord Ellenborough établit la justification de sa conduite à l’égard des émirs. Les seuls griefs que le gouverneur-général lui-même donne pour sérieux sont les lettres qu’il accusait deux émirs d’avoir écrites à des chefs étrangers. « La justification du traité qui doit être imposé à l’émir Roustum de Khyrpore et à l’émir Noussir de Hyderabad repose, ce sont ses propres expressions, sur la supposition que les lettres que l’on dit avoir été adressées par l’émir Roustum au maharadjah Shere-Singh et par l’émir Noussir à Bibruk Bougti ont été réellement écrites par ces chefs. » Ces lettres, adressées l’une au souverain du Pundjab, l’autre à un chef des montagnes voisines du passage de Bolan, constituaient, suivant lord Ellenborough, une violation directe de l’article par lequel les Anglais, en s’arrogeant le protectorat du Scinde, avaient interdit aux émirs toute correspondance politique avec les puissances étrangères ; mais ces lettres n’ont abouti à aucun résultat : celle qu’on disait écrite par Roustum au maharadjah du Pundjab se rapportait à une négociation insignifiante ; celle qui aurait été envoyée par l’autre émir n’avait trait à aucun acte déterminé. D’ailleurs, les deux émirs accusés protestaient que ces lettres leur étaient faussement attribuées, que leurs sceaux avaient été contrefaits : ils en donnaient des raisons assez plausibles et offraient de le prouver, si on leur représentait ces lettres, ce que l’on s’est bien gardé de faire. Il faut ajouter que Roustum, l’émir le plus influent de la partie septentrionale du Scinde, et celui que les accusations compromettaient le plus, était un vieillard de plus de quatre-vingts ans. Rien n’a fléchi l’impitoyable lord Ellenborough. Après de tels actes, les Anglais osent-ils appeler injuste la sévérité de M. Dupetit-Thouars à l’égard de la reine Pomaré, qui écrit, elle, pour protester contre le protectorat français, non pas à un chef de bande, non pas au souverain illusoire d’un pays dévoré par l’anarchie comme le Pundjab, mais à la reine d’un puissant empire, à son amie Victoria ?

Ce fut le 6 décembre 1842 que les émirs connurent la teneur des nouveaux traités : ils avaient craint des conditions plus dures encore ; ils espérèrent obtenir, par une prompte soumission, quelque amendement aux plus rigoureuses, et ils commencèrent à licencier leurs troupes. Le malheureux émir Roustum résolut même d’aller trouver le général Napier, à Sukkur, pour se mettre entièrement à sa disposition. Le général, craignant de voir ses desseins dérangés par cet excès de confiance, lui conseilla de se rendre auprès d’Ali-Morad, frère même de Roustum, mais que les Anglais avaient détaché de la con-