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CONQUÊTE DU SCINDE. — GUERRE CONTRE LE GWALIOR.

plein sur l’établissement du protectorat et l’occupation de l’archipel des Marquises, ordonnés par le ministère lui-même ; il n’est pas moins évident que personne en France ne s’efforcerait de prouver que M. Dupetit-Thouars a violé à l’égard de la reine Pomaré les principes de la justice politique, si les Anglais n’avaient pas cette manière de voir sur la conduite de l’amiral. Toutes les pages de l’histoire coloniale de l’Angleterre nous fourniraient des argumens pour justifier M. Dupetit-Thouars devant un tribunal anglais ; mais il n’est pas nécessaire de recourir au passé : nous n’avons besoin que d’examiner les évènemens qui se sont accomplis dans l’Inde, l’année dernière et cette année, pour mettre les Anglais au défi d’alléguer contre la déposition de la reine Pomaré des raisons qui ne seraient pas la condamnation écrasante de la politique qu’ils poursuivent aujourd’hui dans leur empire asiatique. Ils viennent de nous montrer à Gwalior quels motifs leur suffisent pour imposer leur protectorat à un état indépendant, et de nous faire voir dans le Scinde comment ils s’y prennent pour changer le protectorat en une domination entière, dès que leurs intérêts les y invitent. Qu’auraient-ils à répondre, si on se contentait de leur dire que nous nous faisons honneur de prendre des leçons à leur école ? Apparemment le crime, de notre part, ne consisterait pas à pratiquer dans des affaires relativement médiocres les principes de conduite qu’ils ont, eux, la bonne fortune de pouvoir appliquer à des intérêts grandioses.

Lorsque, à la suite de la révolution ministérielle qui a ramené sir Robert Peel et ses amis au pouvoir, lord Ellenborough prit le gouvernement de l’Inde, les Anglais voyaient se terminer par un épouvantable désastre la trouée téméraire qu’ils avaient faite dans l’Afghanistan : les évènemens de Caboul montrèrent par une expérience cruelle les périls auxquels s’exposait l’Angleterre en voulant porter son influence armée si loin de sa base ; personne alors ne parut plus frappé de cet enseignement que le nouveau gouverneur de l’Inde ; il condamna hautement dans une proclamation la politique de son prédécesseur, lord Auckland. C’est à peine s’il voulut consentir à tirer au moins vengeance des massacres de Caboul, et ce fut presque malgré lui que les généraux Nott et Pollock relevèrent le prestige des armes anglaises, en allant dicter encore une fois des lois aux Afghans dans leur capitale, avant d’abandonner leur funeste pays. Cependant, lorsque la retraite fut accomplie, une grande question restait à résoudre : où fallait-il fixer de ce côté la frontière de l’Inde anglaise ? Rentrerait-on dans les anciennes limites ? Se contenterait-on de la division natu-