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DE LA PHILOSOPHIE DU CLERGÉ.

qu’on médite au fond de l’ame, qu’on n’en veut pas à cet être de fantaisie, à ce fantôme qu’on appelle rationalisme, mais à la raison même et à la liberté.

Que le clergé du moins soit sincère ; qu’il n’ait point d’illusion et n’en laisse aucune aux autres sur ses desseins et ses espérances. S’il persiste dans cette guerre impie qu’il a déclarée à la raison, qu’il ait le courage d’effacer de son drapeau ce mot équivoque : le rationalisme mène au panthéisme, pour y inscrire celui-ci, dont la responsabilité est pesante, mais dont le sens est clair : la raison, la philosophie, mènent nécessairement au panthéisme ; ou, comme l’a dit en termes plus significatifs encore un écrivain considérable du clergé dont il faut honorer la franchise, point de milieu entre le catholicisme et le panthéisme[1]. Il nous reste à considérer, sous ce dernier point de vue, les sentimens et les doctrines du clergé.

II.

La philosophie, si l’on en croit les écrivains du clergé, aboutit nécessairement au panthéisme. Ce qui nous frappe avant tout dans cette doctrine, c’est moins sa nouveauté, qui la doit toutefois rendre fort suspecte aux théologiens, c’est moins sa fausseté même, qui va, nous l’espérons, devenir évidente pour tout le monde, que l’étonnante imprudence, l’inconcevable témérité qui s’y font sentir, et l’immense péril qu’elle crée pour le catholicisme et pour toute religion.

Les esprits téméraires qui ont imaginé cette doctrine, les écrivains qui la répandent, l’épiscopat qui l’autorise, le clergé qui l’accepte, en ont-ils bien mesuré toute la portée ? Si l’on se bornait à dire avec M. l’abbé Bautain, cette fois bien inspiré, que le panthéisme est capable d’exercer un puissant attrait sur un grand et noble esprit, « parce qu’il enseigne de profondes vérités, mêlées à des erreurs d’autant plus séduisantes qu’elles sont sublimes[2], » il n’y aurait rien dans ce langage qui ne fût très digne d’un théologien philosophe ; mais ce n’est là, dans la Philosophie du Christianisme, qu’une phrase isolée : les écrivains du clergé et M. Bautain lui-même sont si loin d’entendre le panthéisme de cette façon équitable et relevée, qu’ils le confondent presque toujours avec le matérialisme et l’athéisme, basses et dégradantes doctrines où l’on chercherait vainement la plus faible

  1. M. l’abbé Maret, Essai sur le Panthéisme, p. 94.
  2. Philosophie du christianisme, t. II, p. 168.