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LES THÉÂTRES.

L’avis de la commission est presque toujours adopté par le ministre ; dans quelques circonstances rares, l’approbation a été accordée ou le refus prononcé contre ses conclusions. En province, les préfets peuvent autoriser les ouvrages qui n’ont pas encore été joués à Paris, et interdire ceux que la censure a autorisés, mais qui ne pourraient sans inconvénient être joués dans leur département. Un ouvrage autorisé peut être ultérieurement défendu ; le droit de l’administration ne s’épuise ni ne se prescrit. Ainsi, le Vautrin de M. de Balzac a été interdit le lendemain de la première représentation ; l’Auberge des Adrets et Robert Macaire l’ont été après avoir épuisé le genre de succès auquel les ouvrages de cette nature peuvent prétendre. Toutes les pièces représentées avant 1835 sont dispensées d’examen, lorsqu’elles continuent à être jouées sur le même théâtre.

Les manuscrits sont remis en double à la commission par les directeurs, dont la signature constate que la pièce est accueillie par leur comité de lecture. La réception préalable est une première recommandation, surtout de la part des grands théâtres, et il est juste que la commission, avant de se livrer à son travail, soit assurée que l’ouvrage a chance d’être joué. L’examen doit avoir lieu dans les dix jours du dépôt ; ce délai est rarement dépassé. Cet examen se fait en commun, après que chacun des membres a pris connaissance du manuscrit. La commission est en permanence ; elle se réunit tous les jours. Quand elle a terminé son travail intérieur et réuni les élémens d’une décision, sur le fond ou sur les détails d’une pièce, les auteurs ou les directeurs sont admis à présenter leurs observations. Dans l’origine, la commission prononçait à huis-clos, et son avis était communiqué aux intéressés par les bureaux du ministère. Les auteurs se plaignaient d’être jugés sans avoir été entendus, et la commission elle-même regrettait de ne pouvoir pas faire connaître les motifs de ses décisions. Il a paru utile d’établir des conférences amiables, dans lesquelles des concessions ont pu être arrachées par l’importunité et l’influence personnelle, mais qui ont eu pour résultat utile d’éviter à la censure les attaques violentes auxquelles était constamment exposé un pouvoir essentiellement arbitraire, toujours aux prises avec les deux intérêts les plus irritables, la réputation et la fortune.

Il est impossible de rédiger le code de la censure et de formuler les principes qu’elle doit suivre. Sa mission est délicate et périlleuse. Protéger les mœurs sans interdire la peinture, souvent salutaire, du désordre et du vice ; perpétuer la tradition du langage honnête et décent, effacer toute parole obscène sans proscrire les hardiesses