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réformes nécessaires. En douze séances, trente-neuf témoins, représentant les divers intérêts qui étaient en jeu, eurent à répondre à plus de quatre mille questions. Les entrepreneurs de théâtre avaient pour organes sept propriétaires, six régisseurs ou directeurs de Londres, et deux spéculateurs de province, l’un directeur de six théâtres, l’autre locataire de trois. Les comédiens étaient défendus par six d’entre eux, choisis dans les diverses catégories, depuis Kean et Macready jusqu’à de pauvres acteurs des théâtres secondaires et des troupes ambulantes. Huit auteurs et un compositeur invoquaient les droits de la propriété littéraire. Les nécessités de gouvernement et de police avaient pour interprètes deux magistrats, un contrôleur au département du chambellan, deux censeurs. Des pièces officielles en assez grand nombre furent produites. De cette enquête approfondie sont sortis deux bills appuyés sur une expérience constatée.

Cet exemple n’a pas été suivi en France. Une loi présentée dans la dernière session, déjà adoptée par la chambre des pairs, et qui sera prochainement discutée au Palais-Bourbon, a été préparée sans qu’on ait cru devoir appeler ni entendre aucune des parties intéressées. Nos formes administratives, qui concentrent un si grand nombre de renseignemens officiels entre les mains du gouvernement, auraient pu, jusqu’à un certain point, tenir lieu d’une enquête ; mais le ministère, à l’appui de son projet, n’a produit aucune pièce, donné aucune explication, fourni aucun document. Nous nous proposons de suppléer à ce silence. Interroger tour à tour la loi, les règlemens et ceux des actes de l’administration qui ont reçu quelque publicité, en indiquer les résultats et les lacunes, rechercher les mesures à prendre, le but à poursuivre : telle est la tâche que nous nous imposons. Si ce travail répond à notre désir, il facilitera une discussion qui nous paraît avoir été jusqu’ici dépourvue de l’intérêt que comportait cette question.

I.

Analysons d’abord l’enquête anglaise de 1832, dont nous nous proposons d’adopter le cadre pour nos propres recherches : ce résumé offrira un élément de comparaison et présentera quelques détails curieux sur les habitudes d’un gouvernement trop souvent pris pour modèle du nôtre, mais toujours digne d’être étudié.

L’Angleterre est un pays libre ; la presse y jouit de franchises à peu près illimitées ; l’autorité publique, presque toujours passive, n’y exerce que des attributions fort restreintes. On pourrait en conclure