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aimons à le penser, par une adhésion unanime la substitution du droit au poids au droit par tête, dont on s’étonne que l’application soit aussi long-temps différée par les administrations municipales dans le service de leurs octrois.

Le traité conclu le 16 juillet 1842 avec la Belgique sera l’objet d’un débat plus sérieux. Cette convention avait été rendue nécessaire par la modification que l’ordonnance du 28 juin avait apportée au tarif de nos fils et toiles. La France ne voulait pas, en atteignant l’industrie anglaise, frapper d’un dommage irréparable la Belgique, où les conditions de la fabrication, beaucoup plus rapprochées des nôtres, ne menacent pas d’une manière aussi directe les produits de notre industrie. Cette exception était inspirée par l’équité et par la bonne politique. Toutefois, il aurait fallu que les avantages concédés à la France par la Belgique en compensation d’un régime de faveur eussent au moins quelque réalité. Or, peut-on-considérer comme sérieux l’abaissement de 25 pour 100 concédé à nos vins sur les droits de l’accise, et celui de 20 pour 100 accordé à nos soieries, lorsque, par un acte qui a suivi presque immédiatement la signature du traité, le gouvernement belge a cru pouvoir accorder aux produits similaires de toutes les autres provenances les réductions qui n’étaient évidemment dans la pensée des négociateurs que le prix des avantages spéciaux concédés par la France ? Si le gouvernement belge n’a pas manqué, dans cette affaire, à la loyauté la plus vulgaire, il faut reconnaître que le ministère aurait manqué de prévoyance autant que d’habileté, en laissant à la Belgique la faculté d’annuler d’un trait de plume le seul élément de compensation que la France se fût réservé. Il est temps que cette affaire soit éclaircie, et que chacun porte la part de sa responsabilité.

La loi de douanes contient aussi une série de dispositions destinées à régler le régime spécial à l’Algérie. L’Afrique française n’est guère entrée qu’en 1836 dans le cercle de notre système commercial. Sa position fut réglée par l’ordonnance du 11 novembre 1835. Depuis cette époque, le commerce général de l’Algérie s’est élevé de 16 à 77 millions, et, dans cette dernière somme, les exportations de notre jeune colonie figurent déjà pour plus de 7 millions. Le projet ministériel maintient pour nos produits la franchise entière de toute taxe d’importation. Pour les marchandises étrangères, il élève la taxe au tiers du tarif métropolitain, avec surtaxe du dixième en sus sur les importations par navires étrangers. Divers objets fabriqués, dont la France est en mesure d’approvisionner entièrement ses possessions d’Afrique, sans aggravation de prix pour la colonie, ont été en outre taxés de manière à imprimer à nos exportations une impulsion nouvelle.

Ces dispositions, prudemment combinées, sont de nature à offrir un gage de plus à l’avenir, désormais assuré, de notre France africaine. L’expédition de Biskara, si brillamment conduite par un de nos princes, est venue constater que notre domination matérielle et morale s’étend aujourd’hui sans obstacle sérieux des rives de la Méditerranée aux sables du Sahara. La France possède la Régence aussi solidement que les conquérans turcs qui l’ont occupée pendant plusieurs siècles. C’est un grand résultat dont la nation ren-