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Le grand groupe en marbre de M. Bosio, représentant l’Histoire et les Arts consacrant les gloires de la France, est placé si haut et si mal éclairé, qu’on pourrait facilement, malgré ses proportions monumentales, passer devant sans le voir. La sculpture, privée de lumière, disparaît complètement. L’œuvre de M. Bosio ne pouvait être placée sous ce rapport dans une condition plus défavorable. On ne peut donc guère, dans les ténèbres où elle est plongée, juger que de la disposition générale des grandes masses. La France, assise au centre de la composition, coiffée d’une couronne murale et une lance à la main, a un peu l’air d’une Minerve, quoique la sagesse ne soit pas peut-être la plus connue de ses qualités. L’Histoire, un genou en terre, à ses pieds et à sa droite, la regarde et s’apprête à écrire ses pensées et ses actions ; à gauche, trois petits génies, représentant les arts, complètent le groupe. Si cette grande machine allégorique, destinée probablement aux galeries de Versailles, n’a rien de nouveau par l’invention soit de l’ensemble, soit des détails, elle offre cependant au plus haut degré cette sorte de dignité et de régularité théâtrales qui distinguent la méthode académique, et qui satisfont, bien mieux souvent que ne pourraient le faire des œuvres d’un style plus individuel et d’une conception plus originale, aux conditions de l’effet monumental.

Nous passerons un peu plus vite entre les deux files de statues et de bustes de la galerie. Nous ne nous arrêterons pas à demander, par exemple, à M. Chambard pourquoi son Oreste est si glacialement inanimé malgré ses gestes de forcené ? pourquoi il lui a donné la pose du Castor de Monte-Cavallo ? enfin, quel est le motif pressant qui lui a fait entreprendre un Oreste poursuivi par les furies ? et à M. Daniel, pourquoi il a fait, lui, une colossale Cléopâtre livrant son long bras à la morsure de l’aspic ? Il y a à côté de cette Cléopâtre un certain Encelade foudroyé par Jupiter, dont on ne peut pas dire non plus que le besoin s’en faisait généralement sentir. De bonne foi, de quelle utilité peut être ce titan pris de tétanos ? Il en est à peu près de même de ce grand groupe en marbre de Céphale et Procris, envoyé de Rome par M. Rinaldi, et qui a toutes les qualités classiques d’invention, de style et d’exécution d’une peinture de Camuccini. Nous ne voudrions pas davantage avoir à demander compte à M. Legendre-Héral, praticien fort habile du reste, de la parfaite insignifiance de sa Psyché, qu’il appelle l’Éveil de l’ame, dont le principal mérite est de n’avoir aucun défaut choquant, ce qui ne suffit pas pour fixer l’attention sur une œuvre d’art, ni à M. Suc de l’incorrection générale de cette femme nue que le livret nomme la Mélancolie.