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Cette première difficulté ainsi résolue, il s’en présenta presque immédiatement une autre qui dépassait le pouvoir du roi de Suède et du prince royal. Charles-Jean avait représenté à l’empereur les embarras financiers de la Suède, et Napoléon, pour obvier à cet état de choses, lui proposa d’enrôler des officiers, des matelots pour la flotte de Brest, et de prendre un régiment suédois à la solde de la France. Charles-Jean répondit que la constitution du pays interdisait toute transaction de cette nature. Nouveau grief du côté de l’empereur ; nouveau sujet d’alarmes en Suède.

Tandis que les relations de ce royaume avec la France prenaient un caractère de plus en plus inquiétant, l’Angleterre, avec son adresse habituelle, ne tenait aucun compte de la déclaration de guerre qui lui avait été adressée, et conservait à l’égard de la Suède une attitude plus bienveillante qu’hostile. Elle semblait reconnaître que la Suède, en s’associant au système continental, n’avait fait que céder à la force, et, contente d’écouler quelques-uns de ses produits vers la Baltique, trop habile pour irriter inutilement un peuple dont elle avait besoin, elle attendit patiemment l’occasion de reprendre avec lui des rapports plus faciles et plus sûrs.

Cette conduite de l’Angleterre accrut encore les défiances de l’empereur. En même temps la Suède, comme pour être en état de soutenir sa déclaration de guerre, faisait des armemens considérables. Ses préparatifs excitèrent dans l’esprit du ministre de France un soupçon qu’il exprima dans les termes les plus acerbes. Napoléon, comprenant lui-même que son envoyé apportait trop d’ardeur et d’âpreté dans l’exercice de ses fonctions, le rappela de Stockholm et le nomma ministre en Danemark ; mais tout en accordant au cabinet de Stockholm cette satisfaction diplomatique, on traitait d’un autre côté la Suède rigoureusement. Des corsaires français et danois parcouraient la Baltique, poursuivant, attaquant, capturant les navires suédois. Bien plus, l’embargo fut mis sur des navires de Suède qui attendaient leur chargement dans différens ports d’Allemagne. Les matelots qui montaient ces bâtimens furent incorporés de force dans la marine de France et envoyés à Brest, à Toulon, à Anvers. Le gouvernement suédois adressa de vives réclamations à Paris et ne fut point écouté. Les riches négocians du pays se plaignirent hautement des rudes entraves imposées à leur commerce, le pays entier éprouvait une gêne extrême ; la nation, animée jusque-là d’un si vif sentiment d’admiration et de sympathie pour la France, commençait à regarder si elle ne pourrait point chercher son point d’appui d’un autre côté. Cependant