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Les petits ateliers sont les plus insalubres, tant à cause de la nature du travail, comme dans la quincaillerie, dans les poteries, et dans les manufactures de verre, que par l’incurie des fabricans, qui négligent les précautions les plus ordinaires de décence et de propreté. Partout la durée du travail est la même pour les enfans que pour les adultes, douze heures en moyenne, rarement dix, dans un grand nombre de cas quinze et seize heures. Quand les enfans se trouvent sous la dépendance directe des ouvriers, il arrive que ceux-ci, selon leur propre caprice, les laissent oisifs au commencement de la semaine, pour leur imposer dans les derniers jours un travail forcé.

À Birmingham, les enfans employés dans les ateliers sont pâles et faibles ; on les nourrit mal, et, l’hiver comme l’été, on les envoie au travail sans bas ni souliers. À Woolverhampton, il n’y a pas d’heures régulières pour les repas ; les enfans avalent leurs alimens en travaillant. Aussi bien peu paraissent robustes ; quelques-uns sont difformes, les filles surtout. Des garçons de quinze à seize ans n’ont que la taille des écoliers de douze à quatorze, sans être ni aussi forts ni aussi bien portans, et la puberté chez les filles ne se déclare souvent qu’à l’âge de vingt ans. À Sedgeley, les enfans qui font des clous travaillent de quatre heures du matin à neuf heures du soir, et cela dès l’âge de sept ans ; on exige d’eux jusqu’à mille clous par jour ; les filles en souffrent moins que les garçons, parce qu’on les met au travail deux ans plus tard. En Écosse, la nourriture qu’on leur donne dépend de la quantité d’ouvrage qu’ils exécutent. Chose horrible à dire ! c’est la faim que l’on exploite pour exciter leur émulation. À Warrington, dans les fabriques d’épingles, les enfans sont représentés comme étant d’une complexion délicate et maladive, petits, maigres et sans muscles. Dans les poteries du comté de Stafford, les jeunes ouvriers sont constamment sur pied. Ils vont, chargés de lourds fardeaux, de l’atelier où l’on moule à l’étuve, et la température élevée dans laquelle ils travaillent ne peut qu’ajouter aux fatigues de cette occupation. On ne leur laisse pas même le loisir nécessaire pour les repas ; pendant que les adultes se reposent, ils obligent les enfans à jeter avec force contre le plancher des masses d’argile pour en exprimer l’air (to wedge the clay). Aussi les organes digestifs s’affaiblissent, et un grand nombre meurent de consomption.

Dans les fabriques de tulle et dans la bonneterie, occupations sédentaires et qui ont beaucoup d’analogie avec le travail des manufactures, la santé des jeunes ouvriers et celle des femmes se détériorent promptement. Les enfans commencent à travailler de si bonne heure, et la