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ange, un démon, un abîme ; l’être le plus faible et le plus fort, le plus indépendant et le plus facile à entraîner dans les petites choses ; la tête la plus capable et la plus vive ; le caractère le plus ferme et le plus indécis. » Un tel luxe d’antithèses, cette combinaison savante des contrastes nous remet en mémoire une Mme Agnès de Méranie, de M. Jules de Rességuier, noble châtelaine :

Dans son fauteuil la plus dolente,
Sur son cheval la plus allante,
La plus fidèle à son devoir,
Et la plus dangereuse à voir !

Et qui fut en son temps aussi célèbre dans un certain petit cénacle littéraire que le modèle du portrait en question dans les petits appartemens du roi Louis XVIII.

On le voit, ici le vrai comique abonde, et encore n’avons-nous fait que citer au hasard ; que serait-ce si nous donnions tout ? Dans l’embarras du choix, qu’on nous permette cependant de noter au crayon quelques pensées qu’il serait aussi par trop injuste de laisser enfouies : « Gabrielle se tait souvent pour ne pas parler ; — pour qu’il y ait usurpation, il faut qu’il y ait usurpateur ; — on rêve plutôt l’idéal que le positif. » Quel recueil précieux ne ferait-on pas des extraits d’un pareil livre ? et cette fois, nous pouvons le dire hardiment, M. de la Palisse aurait trouvé son maître.

En attendant, les volumes se succèdent. Depuis deux mois, nous voici déjà au troisième. C’est un cliquetis de noms propres à vous étourdir, un brouhaha des plus divertissans : l’empereur de Russie et M. Laffitte, Méhémet-Ali et M. Scribe, le roi de Sardaigne et Victor Hugo, M. Cormenin et la reine d’Angleterre ; puis, au-dessous du proscenium, à la place où se groupent les vieillards d’Antigone, le peuple, le catholicisme, deux abstractions tenant l’emploi du chœur dans la tragédie antique. Mais j’y songe, l’empereur de Russie et M. Laffitte ne figurent-ils point là un peu en honneur de la circonstance ? Le parti qu’on pourrait tirer d’un semblable système de publication est véritablement incalculable. Vous verrez que M. Sosthènes de La Rochefoucauld fera son tour du monde, et nous aurons de la sorte M. de Metternich et Levassor, l’empereur de la Chine et Mme la princesse de Relgiojoso, la reine Pomaré et M. List, tous peints d’après nature, tous également pris sur le fait. Nous entrevoyons d’ici à ce livre des horizons véritablement encyclopédiques : reines, empereurs et rois, hommes d’état, généraux et poètes, femmes du monde, femmes politiques et femmes de lettres, quelle plume pour une si terrible tâche, quel pinceau pour de semblables toiles ! O Vandick ! ô