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journée pénible qui fut employée à gravir ce boulevard de la cité de Crésus.

Le pays où sont les Thermopyles, entre l’Eubée et la chaîne de l’Œta, est une des plus belles parties de la Grèce. Le charme de cette contrée m’est soudain rendu présent quand je lis dans Sophocle l’allocution de Philoctète, que Fénelon a traduite avec tant de grâce, bien qu’en l’affaiblissant : « Mène-moi dans ta patrie ou dans l’Eubée, qui n’est pas loin du mont Œta, de Trachine et des bords agréables du fleuve Sperchius. »

Pour la Sicile, et la Sicile c’est encore la Grèce, elle est dans Théocrite et dans Pindare ; Pindare célèbre le sol fertile de la grasse Sicile, dont l’intérieur est en effet rempli de champs de blé, qui donnent un peu trop l’apparence de la Beauce au poétique pays d’Enna. Théocrite qui, sous les Ptolémée, traite avec une naïveté savante l’idylle inventée par les bergers dans les montagnes de l’Arcadie, Théocrite est le peintre en miniature de la Sicile. Ses idylles se composent d’une foule de petits tableaux champêtres peints d’après nature. Dans cette poésie insulaire, on aperçoit sans cesse la mer à l’horizon. Tantôt c’est un berger qui, appuyé contre un pin, joue de la flûte, tandis que les belles vagues à peine murmurantes réfléchissent l’image mobile de son chien qui court en jappant sur le rivage ; tantôt ce sont de vieux pêcheurs conversant la nuit sur une couche d’algues, pendant que la mer vient battre mollement leur cabane de feuillée. Évidemment, au temps de Théocrite, on avait oublié les éruptions de l’Etna. L’Etna n’est pour lui qu’une belle montagne aux cimes neigeuses, aux flancs couverts de forêts, dont les fameux chênes de l’Etna présentent de nos jours un assez triste débris.

Écoutez le cyclope amoureux disant à Galatée :

Laisse briser la mer écumante et terrible,
Ta nuit sera plus douce en ma grotte paisible.
Là sont de verts lauriers, là sont de hauts cyprès,
Et le lierre et la vigne aux bras souples et frais.
Et de l’Etna qui ceint de bois son flanc sauvage,
La neige en flots glacés coule, divin breuvage.

Mais Pindare connaît la puissance volcanique de l’Etna. L’Etna n’est pas pour lui seulement la montagne au sommet feuillu, à la cime élevée, telle qu’elle se montre au navigateur qui aperçoit de loin sa majestueuse pyramide ; l’Etna est la colonne céleste qui presse la