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LA PHILOSOPHIE CATHOLIQUE EN ITALIE.

ce point, l’équation est parfaite, mais c’est l’équation du possible avec l’inconnu ; il n’en résulte que la possibilité de l’inconnu, c’est-à-dire la possibilité de l’existence de nos sensations, ou tout au plus des objets auxquels elles se rapportent. Bien plus, il fallait démontrer que les objets existent réellement hors de nous, hors de l’esprit, hors de nos pensées, et M. Rosmini affirme au contraire que l’idée n’est ni intérieure ni extérieure, que la notion de l’extériorité des objets est purement mécanique, et par conséquent illusoire. On ne pouvait pas faire une plus belle part au scepticisme, et pourtant il ne nous reste pas même la ressource du scepticisme. Pourquoi croyons-nous aux objets ? Par l’idée. Pourquoi les distinguons-nous les uns des autres ? En vertu de l’idée. Pourquoi les plaçons-nous dans l’espace nécessairement les uns hors des autres ? Toujours en vertu de l’idée, qui dirige tout le travail intellectuel de la perception ; mais si l’idée n’est ni intérieure ni extérieure, si elle est contraire par son essence même à cette distinction des objets, qui est la condition nécessaire de l’existence du monde matériel, l’idée doit créer la nature et en même temps la détruire, en distinguer les objets et les confondre. Contradictoire dans ses effets, elle est donc nulle dans son essence. M. Rosmini doit donc ou nier le monde matériel ou nier l’idée ; voilà deux parties de son système, l’ontologie et la psychologie, qui se détruisent l’une par l’autre.

Insuffisante pour affirmer le monde matériel comme pour expliquer la pensée, l’idée du possible ne saurait non plus nous élever à Dieu. Jamais on ne remontera d’une idée ni finie ni infinie, purement négative, exclusivement possible, à un Dieu positif, infini, réel. Si on ajoute le vide au vide, on n’obtient que le vide, et l’idée vide de M. Rosmini ne pourra jamais se remplir (integrarsi) à l’aide de la sensation, vide à son tour. Si le premier élément de l’idée est vide, en y joignant la sensation, qui n’a pas l’existence en elle-même, il n’en sortira jamais ni le monde, ni Dieu, ni les attributs de Dieu. D’ailleurs, comment concevoir un Dieu qui n’est ni en nous, ni hors de nous, ni dans l’idée, ni hors de l’idée, qui est l’unité indivisible, et cependant se distingue de lui-même dans le Verbe ? Enfin, de quelle manière ce Dieu, qui est illimité et par conséquent contradictoire à la sensation, infini et par conséquent contradictoire au fini, immense, éternel, en un mot unique, et par conséquent contradictoire à la division de l’espace, du temps, du mouvement ; de quelle manière ce Dieu pourra-t-il se concilier avec la création ? Placez-le dans l’idée du possible et il ne