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JEAN-PAUL RICHTER.

passer pour continuer la manière de Klinger, et, je n’hésite pas à le déclarer, le vrai Jean-Paul, celui que l’Allemagne appelle à bon droit l’inimitable, n’existe qu’à la condition d’avoir créé ce genre, où tout lui appartient en propre, l’idée et la forme, le détail et l’ensemble. Dans la préface de Quintus Fixlein, Jean-Paul touche lui-même à ce point de contraste qui distingue ce livre des précédens. « Je n’ai jamais pu découvrir, dit-il, que trois sentiers à suivre pour arriver à une existence plus heureuse ; le premier perce dans la hauteur et vous mène tellement au-dessus des orages de la vie que le monde extérieur, avec ses sauts de loup, ses infirmeries et ses paratonnerres, finit par prendre sous vos pieds les misérables dimensions d’un étroit jardinet d’enfant ; le second mène en bas, dans le jardinet en question, ou, pour mieux dire, dans l’ornière, d’où, s’il vous arrive par hasard de mettre le nez hors de votre nid d’alouettes, vous n’apercevez plus ni infirmeries, ni paratonnerres, ni sauts de loup, mais seulement des moissons dont chaque épi vous semble désormais un arbre ; le troisième enfin, qui me paraît à la fois le plus difficile et le plus sage, est celui qui va de l’un à l’autre de ces deux sentiers. » Que pensera-t-on maintenant de ces extrêmes, de cette incroyable doctrine d’un homme qui aime mieux nager dans le vide ou ramper dans le sillon que de marcher tout bonnement sur la terre en prenant les influences et les sauts de loup pour ce qu’ils sont, en contemplant les montagnes et la vallée, la nature et la vie humaine, de leur point de vue régulier, et non plus de ce regard d’en haut qui rapetisse, ou de ce regard d’en bas qui grossit ? Là cependant est Jean-Paul tout entier. Suivez la première de ces trois voies, vous aboutirez à l’Emmanuel d’Hesperus, au Spencer de Titan, à ces créations qu’à défaut d’un terme plus propre à rendre ma pensée j’appellerai transcendantales ; prenez la troisième, elle vous mène droit à Siebenkaes, à Lenette, à Wuz, à Fixlein, à tout ce petit monde qui se débat sous le microscope de l’humoriste. On ne manquera pas d’observer qu’en ceci le point intermédiaire se trouve bien légèrement méconnu, car après tout, entre cet individu flottant dans les nuages et cet individu tapi dans son ornière, entre cet aigle et ce ciron, il y a l’homme, l’homme sérieux, moral, sain de corps et d’esprit. Mais songeons que nous sommes en Allemagne et non dans la France du XVIIe siècle, et qu’il s’agit ici de Jean-Paul Richter et non de Molière.

De même que certains élémens ont passé de la Loge invisible dans Hesperus, de même la fraîche et mélancolique idylle de Maria Wuz renferme en abrégé le roman de Quintus Fixlein, étude biographique consacrée à l’analyse de la modeste et béate félicité d’un brave