Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/801

Cette page a été validée par deux contributeurs.
797
ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

La chambre des lords refusa d’appuyer ces attaques passionnées. La motion du duc de Richmond fut repoussée. Quelques semaines après, la question à laquelle elle se rapportait fut résolue ou au moins ajournée au moyen d’un accommodement qui, en réalité, la laissait à peu près en suspens. Les îles Falkland furent rendues à l’Angleterre ; mais, avant d’en prendre possession, le cabinet de Londres annonça, dans une forme non officielle, l’intention d’abandonner presque immédiatement un territoire d’une valeur assez douteuse en effet. Cet expédient ne pouvait manquer de soulever l’indignation des opposans. Plusieurs propositions furent faites par lord Chatham et ses amis pour flétrir une transaction dans laquelle ils ne voulaient voir, au lieu de la réparation réclamée par l’Angleterre, qu’un ignominieux compromis. Elles furent écartées par une forte majorité.

Il en fut de même de toutes les motions par lesquelles lord Chatham, reprenant sans cesse, sous des formes habilement variées, les thèmes qu’il jugeait les plus propres à entretenir l’excitation des esprits, s’attacha, pendant le cours de la même session, à provoquer de nouveau l’animadversion publique contre la mesure arbitraire de l’expulsion de Wilkes, et à reproduire le vœu de la dissolution de la chambre des communes. Dans les argumens qu’il présenta à plusieurs reprises pour établir que les droits politiques d’un sujet anglais ne pouvaient être anéantis par une résolution d’une des deux chambres du parlement, dans ceux qu’il opposa à l’étrange théorie professée par lord Mansfield et admise alors en pratique, qu’en matière de presse le jury est seulement appelé à connaître du fait de la publication, tandis que la qualification de l’écrit appartient au juge, il s’éleva à une hauteur d’éloquence, à une puissance de logique, qui lui donnèrent de nouveaux titres à l’admiration et à la reconnaissance des amis de la liberté. Malheureusement la passion l’entraîna souvent à des inconséquences semblables à celles dont j’ai déjà eu à citer trop d’exemples. C’est ainsi qu’on l’entendit se déclarer converti au principe des parlemens triennaux, qu’il repoussait encore quelques mois auparavant, mais que maintenant, disait-il, il jugeait nécessaires pour sauver la constitution et arrêter les progrès de l’énorme influence de la couronne. Dans une autre occasion, faisant allusion aux troubles des colonies, il s’oublia jusqu’à prononcer ces étonnantes paroles : « Bien que je me fasse gloire d’être plus que personne attaché à mon pays, la conduite de ceux qui le gouvernent m’est tellement odieuse, que, si j’avais dix ans de moins, j’irais passer le reste de mes jours dans une contrée qui a déjà donné les preuves les plus éclatantes de son esprit