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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

projet de résolution qui tendait, dans une forme indirecte, à blâmer la conduite de la chambre des communes. Ce projet fut rejeté, et le principe même en fut condamné par une décision spéciale comme étant de nature à violer le droit constitutionnel des communes et à opérer une scission entre les deux chambres du parlement. Cette double victoire du parti ministériel avait été précédée de débats fort animés auxquels lord Chatham s’était mêlé avec son ardeur ordinaire.

Bientôt après, un membre de l’opposition, lord Craven, proposa de faire une adresse au roi pour le prier de mettre la marine sur un pied propre à faire respecter la couronne et à protéger le commerce. Lord Chatham, appuyant cette proposition et reprochant au ministère l’organisation vicieuse de la marine, trouva moyen de rattacher ce blâme à l’idée fixe qui était devenue le thème de tous ses discours. Il signala, en termes d’une incroyable violence, cette influence secrète, dangereuse, inconstitutionnelle, basse et perverse tout à la fois, qui n’avait cessé, suivant lui, de dominer le trône depuis l’avénement de George III, cette influence invisible, irresponsable des pernicieux conseils d’un favori, premier auteur de tous les troubles, de tous les malheurs de l’Angleterre et qui, bien qu’absent, exerçait encore au moyen de ses agens confidentiels, une puissance absolue. S’accusant d’avoir été lui-même pendant quelque temps la dupe d’un système aussi fortement organisé, il affirma que, pendant son dernier ministère, des projets importans, pour lesquels il avait obtenu l’assentiment du conseil et du roi, avaient néanmoins été abandonnés et même contrariés dans un moment où sa santé l’empêchait d’en surveiller l’exécution. Il dit qu’on avait abusé de sa loyale confiance, qu’on l’avait trompé, qu’il avait pu se convaincre qu’aucune administration indépendante n’aurait la permission de vivre long-temps. À ces étranges paroles, le duc de Grafton se leva pour défendre le roi contre des imputations dans lesquelles il ne voyait que le produit d’un esprit malade, aigri par ses propres souffrances. Lord Chatham, loin de se laisser arrêter, s’écria qu’il ne rétractait rien, qu’il ne modifiait rien de ce qu’il avait avancé. « J’ai toujours, dit-il, trouvé le roi gracieux et bienveillant dans son cabinet : plus d’une fois sa majesté a poussé la bonté jusqu’à me promettre, non-seulement de me pardonner le défaut d’assiduité auquel ma santé me condamnait, mais encore de faire ce qui dépendrait d’elle pour y suppléer. Au lieu de cela, je n’ai rencontré sur ma route que des obstacles. Les difficultés que j’ai vu s’élever contre toutes mes mesures, grandes ou petites, ne sont pas toutes nées en dehors du gouvernement : elles ont été suscitées, soutenues par la puissance