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tantes prospérités aux pitoyables dissensions des années précédentes. Les whigs, fiers de voir en lui un de leurs chefs, lui prêtaient le plus cordial appui ; les tories s’y associaient avec d’autant plus d’empressement, que l’adversaire de Fox, objet de leur aversion particulière, était pour eux presque un ami, et que d’ailleurs, comme nous l’avons vu, il affectait de les ménager. Quant aux jacobites, c’est à cette époque qu’on perd, pour ainsi dire, les traces de ce parti, depuis long-temps réduit à une existence presque nominale. Les droits de la maison de Hanovre cessèrent d’être contestés lorsqu’ils eurent reçu la sanction d’une grande gloire.

Quatre sessions consécutives s’écoulèrent sans qu’on vît s’élever dans le parlement le moindre débat politique. Toute opposition, tout grief semblait avoir disparu. Cet accord si extraordinaire était l’expression exacte de celui qui, en dehors des chambres, s’était établi, je le répète, entre tous les partis, et que d’obscurs pamphlétaires essayaient vainement de troubler en dirigeant contre Pitt d’injurieuses attaques qu’il méprisait profondément. Cependant, comme s’il fallait que les plus grands évènemens et les plus grands caractères fussent toujours marqués par quelque côté au coin de la faiblesse humaine, un misérable incident fut sur le point d’arrêter l’Angleterre dans la marche triomphale qu’elle suivait alors. Deux places étaient venues à vaquer dans l’ordre de la Jarretière. Lord Temple désira en obtenir une, et Pitt la demanda pour lui. Ne pouvant vaincre la résistance du roi, qui aimait peu lord Temple et qui avait destiné à d’autres personnages ces hautes distinctions, il menaça sérieusement de donner sa démission. Il fallut une assez longue négociation pour accommoder ce différend.

C’est au milieu de ce torrent de prospérités que, le 25 octobre 1760, George II termina sa longue carrière. Il mourut pleinement réconcilié avec le ministre dont l’arrivée au pouvoir lui avait arraché des larmes, mais qui avait rendu si brillante la fin d’un règne mêlé de tant d’agitations et de fortunes diverses. L’avénement de George III semblait compléter l’heureuse transformation qui venait de s’opérer dans le pays, et on eût pu croire qu’il assurerait pour long-temps l’union des partis. Ce jeune prince se présentait, en effet, sous les auspices les plus favorables. Pour la première fois depuis Charles Ier, et presque depuis Élisabeth, l’Angleterre voyait sur le trône un monarque né et élevé dans son sein, exempt de toute influence étrangère, appartenant, par ses mœurs, par ses affections, par ses habitudes, à la contrée qu’il allait gouverner. À la différence de ses deux prédécesseurs immédiats, il n’avait jamais vu et il ne devait jamais voir