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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

anglaises et où on l’accusait d’avoir compromis le succès d’une bataille en n’exécutant pas les ordres du général en chef, fut moins heureux devant un conseil de guerre, qui le déclara incapable d’être employé à l’avenir. Pitt, en demandant à la chambre des communes l’autorisation nécessaire pour que sir John Mordaunt pût être arrêté et traduit en jugement, n’avait pas craint de flétrir la mollesse et l’incapacité qui avaient signalé les opérations des dernières campagnes, comme aussi l’inexcusable négligence de l’administration militaire. Il avait, sans ménagement comme sans passion, désigné les principaux coupables et en même temps rendu justice au petit nombre d’hommes dont la conduite faisait une honorable exception à cet entraînement presque universel de faiblesse et de désordre. Pour attaquer avec cette hardiesse un mal aussi général, il fallait être bien sûr d’en être exempt soi-même et d’avoir la force d’en triompher. Peu de mois suffirent à Pitt pour opérer cette révolution et pour changer complètement l’aspect de la guerre.

Au moment même où il ressaisissait le pouvoir, les affaires prenaient en Allemagne un aspect vraiment désastreux pour le cabinet de Londres. Le duc de Cumberland, vaincu à Hastenbeck, se voyait réduit à signer avec le maréchal de Richelieu la fameuse convention de Closterseven, qui livrait le Hanovre à l’occupation française et imposait à l’armée hanovrienne l’obligation de ne plus porter les armes. Frédéric II, après avoir perdu contre l’Autrichien Daun la terrible bataille de Kolin, était expulsé de la Bohême. Une seconde armée française, conduite par le prince de Soubise, s’avançait contre lui en Saxe. Des armées russe et suédoise, envahissant ses états du côté du nord, semblaient ne lui laisser aucune chance de salut. Déjà, le petit nombre d’alliés que l’Angleterre s’était ménagés en Allemagne, la Hesse, le Brunswick même, s’empressaient de faire leur paix avec le vainqueur, et le gouvernement britannique allait se trouver entièrement exclu du continent.

La bataille de Rosbach, gagnée par le roi de Prusse sur les Français, changea en un moment cet état de choses. Cette grande victoire n’était certes pas décisive, elle laissait subsister d’immenses dangers, mais elle donnait le temps de respirer, elle faisait entrevoir la possibilité d’une résistance prolongée couronnée par un succès définitif. C’était plus qu’il n’en fallait pour relever la confiance de Pitt. Il s’empressa de concerter avec le vainqueur de Rosbach un plan d’opérations dont la hardiesse, digne de ces deux grands hommes, devait être justifiée par l’évènement. Rompant, sous des prétextes assez légers, la con-